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gérontologie essai

26 janvier 2018

Extrait du rapport de stage sur la création d'un jardin thérapeutique en EHPAD

 

Rapport de stage


Table des matières

 

Introduction.......................................................................................................................................p.1

 

  1. Description du terrain de stage..............................................................................................p.2

  2. Travaux réalisés pendant le stage..........................................................................................p.4

  3. Analyse de l'apport de stage .................................................................................................p.9

     

Conclusion et perspectives..............................................................................................................p.10

 

Bibliographie...................................................................................................................................p.11

 

Annexes ..........................................................................................................................................p.11

 

A) Comptes rendus

B) Photographies

C) Projet

D) Suivi

E) Communication

F) Dossiers de l'Ehpad Sainte Marie

G) Livre des plantes

H) Projets de vie

I) Comptes rendus des réunions du PASA

J) Entretiens avec les résidents et deux professionnels

 

Introduction

 

La création d'un jardin thérapeutique était pour moi l'occasion de concilier ma passion pour le jardinage et une expérience professionnelle concrète dans le secteur gérontologique. Je souhaite en effet par la suite travailler dans une association de création de jardin thérapeutique pour personnes âgées, notamment celles atteintes de démences de type Alzheimer. Puis, je voudrais éventuellement créer moi-même une association dont le but est de développer des jardins thérapeutiques. Actuellement, nombre de projets de jardins thérapeutiques naissent. Cela est en partie dû aux aides accordées par les financiers et sûrement à l'intérêt public accordé à de tels espaces. De plus, plusieurs études ont démontré les bienfaits du jardin (Ulrich, 1984)1, notamment sur les troubles du comportement comme le stress et l'anxiété. La mise en place d'un jardin thérapeutique à l'Ehpad Sainte Marie à Metz semblait d'autant plus pertinente qu'à mon arrivée, un jardin peu adapté aux personnes âgées ainsi que deux terrasses étaient disponibles, l'une attenante au PASA mais sans végétation et l'autre située près de la cafétéria de l'établissement.

 

Ce stage a été aussi pour moi une opportunité de mettre à l'épreuve et de lier mes connaissances théoriques à une expérience de terrain. Il m'a permis également de me former à des pratiques relevant en partie du « care 2», encore balbutiantes en France. En effet, cela a fait partie de ma ligne directrice lors de mon stage. L'objectif poursuivi a consisté à réussir à construire une relation d'égal à égal avec les professionnels et en particulier les résidents et ce, malgré leurs maladies et leur dépendance, en me mettant sur un pied d'égalité avec mes interlocuteurs.

 

L'intérêt de ce stage a résidé dans le fait que rien n'était encore créé. Toute l'organisation du projet était à préparer, et il fallait aussi trouver des solutions pour sa pérennisation, avec les ressources existantes. Aucune contrainte ne m'a été donnée par la directrice de l'Ehpad, Mme Scholtus.

 

Mes objectifs durant ce stage ont été de réaliser un jardin thérapeutique avec les résidents, c'est-à-dire en adaptant au mieux l'espace aux résidents, en leur laissant le plus d'autonomie possible et, enfin en le personnalisant aux résidents afin que le jardin puisse perdurer dans le temps. En effet,

il semble indispensable que le jardin thérapeutique soit investit pleinement par les résidents, les professionnel et les familles, ce passe par une réappropriation de l'espace. Ainsi, selon Franklin3 : « Tu me dis, j'oublie. Tu m'enseignes, je me souviens. Tu m'impliques, j'apprends. » Pour ce faire, un travail d'analyse qualitative reposant sur un questionnement en équipe pluridisciplinaire et auprès des résidents a été réalisé ; lors de moments informels comme lors des transferts, j'ai décidé d'interroger les résidents seuls ou avec d'autres sur leurs représentations du jardin, les activités qui lui sont associées et sur les éléments qui le composent. Je me suis également appuyé sur des entretiens avec l'ergothérapeute et la psychologue de l'établissement pour la création du jardin thérapeutique.

 

Enfin, les éléments plus « institutionnels » tels que le projet d'établissement, les projets de vie et le projet d'animation m'ont permis d'ajuster les activités proposées et les objectif avec les résidents.

  1. Description du terrain de stage

 

L'Ehpad de Sainte Marie se situe à Metz, dans le quartier de Plantière Queuleu. Cet établissement privé à but lucratif peut bénéficier de subventions du groupe HP Metz lors de la mise en place de projets. Il accueille environ 110 résidents et emploie une soixantaine de personnes, notamment une psychologue, une ASG ayant reçu une formation pour pouvoir s'occuper du PASA, une animatrice, une ergothérapeute, un médecin coordinateur, une infirmière coordinatrice, des infirmiers, des techniciens, des aides soignants, une directrice et une directrice adjointe.

L'association les Blouses Roses intervient tous les mardis et propose des activités, ou aide à la mise en place des activités organisées par la directrice ainsi qu'aux transferts. Une sœur et un prêtre viennent également chaque vendredi célébrer la messe.

En ce qui concerne l'architecture, la résidence se divise en deux bâtiments répartis sur trois étages :

-le Pôle d'activités et de soins adaptés (PASA), récemment construit en janvier 2017 et composé d'une terrasse (Cf annexe B) Photographies) 

-l'unité de soins de longue durée au premier et au deuxième étages

-l'Ehpad au troisième étage disposant de 30 lits4

 

Chaque étage a sa propre salle de restauration et de cuisine. Cependant, les repas sont préparés par un organisme extérieur, Elior. Certains étages disposent même de petites terrasses où certains résidents viennent régulièrement s'y assoir pour lire, discuter ou fumer.

Les horaires d'ouverture du jardin sont de 10h à 20h. La porte est ouverte à la demande des résidents. Il est accessible par une passerelle située au 3ème étage du bâtiment B et au 2ème étage du bâtiment A. La passerelle était dénudée lorsque je suis arrivé. Mais, après un atelier de rempotage, des jardinières fleuries par les résidents ont été installées.

La terrasse de la cafétéria au rez-de-chaussée est parfois utilisée par les résidents et leur offre un peu d'intimité. Cependant, le personnel y déjeune si le temps le permet. Cette terrasse est située à gauche de celle du PASA.

Quelques familles se rendent souvent au jardin et se montrent également très engagées dans la vie de l'Ehpad. C'est en partie à elles que j'ai fait appel pour la création et le suivi du jardin. D'autres personnes, comme les bénévoles de l'association « Les Blouses Roses » intervenant tous les mardis, ont été très intéressées par la création du jardin, ce qui a facilité sa pérennisation.

Le PASA a été créé en janvier 2017, c'est-à-dire environ trois mois avant mon arrivée.

Cette unité spécialisée est fermée à clef en dehors des activités. Il existe un code d'accès pour éviter les « fugues » ainsi que le passage de personnes qui pourraient déranger les activités. Le PASA est composé d'une cuisine ouverte sur la pièce principale permettant aux résidents d'y effectuer leurs activités et par la suite de cuisiner les produits du jardin pour les déguster. Il se compose d'une autre pièce dont les murs amovibles permettent d'agrandir la pièce principale. Partout, on peut voir les décorations faites par les résidents comme des fleurs en papier, des œufs de Pâques, etc... dont ils sont très fiers. De plus, la terrasse attenante au PASA est fermée. Attenante à la pièce principale, elle mesure environ 30 mètres carrés et n'est meublée que de quelques chaises et de deux tables. Sur l'un de ses côtés, elle fait face à un grand mur nu recouvert de crépit et de l'autre, ce sont les vitres du bâtiment qui lui font face. Or, ces vitres semblent gêner certains résidents du fait de la réverbération et diminuent l'intimité des résidents qui y jardinent ou y déjeunent. Néanmoins, elles permettent aux autres résidents d'apprécier de l'intérieur la vue de la terrasse végétalisée.

Les ateliers sont proposés à un groupe différent chaque jour, composé de 4 à 7 résidents. Ils commencent tous par une boisson et une lecture du journal adaptée aux résidents donnant suite parfois à des débats. Ensuite, démarrent des activités dynamiques comme de la gymnastique toujours en lien avec le rythme circadien. Après le jardinage, le déjeuner a lieu soit dans la salle principale, soit dehors si le temps le permet. Les activités de l'après-midi sont quant à elles plus

« douces » comme de la peinture, du dessin. Au PASA sur la liste du 1er avril : sur les 21 résidents volontaires pour l'atelier jardinage , 10 sont en fauteuil roulant, et 11 en capacité de marcher.

 

Dans la réalisation des activités, je me suis appuyé sur les ressources présentes au PASA. Ainsi, une « Borne mélo », où sont enregistrées des musiques de variétés, a été utilisée afin de mettre une ambiance musicale. Elle a également servi de support pour des jeux comme le loto musical.

 

  1. Travaux réalisés pendant le stage

 

Au cours de mon stage j'ai été amené à réaliser un certains nombre d'actions :

  • Les activités réalisées ont fait l'objet d'un travail d'équipe professionnelle et d'un rassemblement des résidents autour du projet. Ce dernier repose sur l'analyse des besoins des résidents, de leurs pathologies, et de leur projet de vie5, à travers des échanges avec eux et leurs familles. J'ai pris également en considération les attentes des professionnels, le projet institutionnel et le projet d'animation. Dans cette optique, lors d'ateliers au PASA, des questions ont été adressées aux résidents concernant leurs souhaits, leurs activités actuelles et celles précédant leur arrivée en Ehpad, les plats et plantes typiques de la Lorraine. Enfin, bien que la majorité des résidents soient des femmes, il a été noté lors d'une analyse des animations que trop peu d'activités étaient « masculines » comme le bricolage. En associant les résidents de sexe masculin à la création des jardinières, j'ai souhaité rassembler le plus large public. Lors d'entretiens avec la psychologue, l'ergothérapeute et l'animatrice, des conseils et des recommandations m'ont été donnés afin d'optimiser la mise en place du jardin thérapeutique.

  • J'ai engagé une mobilisation des familles autour du projet à travers un appel aux dons de plantes de graines6. Cela a intéressé plusieurs personnes et a permis de gagner du temps et de l'argent. Puis, j'ai réalisé de grandes affiches7 présentant des photos de l’évolution des plantes dans le temps, exposées dans la résidence afin de faire vivre le projet aux familles, au personnel et aux résidents. Cela a permis de fédérer l'équipe autour du projet et, pour les personnes âgées, de faire appel à leur mémoire de travail en comparant les plantes.

  • J'ai également été amené à rédiger un projet8 pour le soumettre à la direction afin d'obtenir un financement du groupe HP Metz en faisant une évaluation du prix du projet.

  • J'ai aussi eu recours aux ressources locales. Face au manque de temps et de financements, j'ai du démarcher certaines associations afin d'obtenir un certaine « base » pour le jardin comme des graines, des boutures ou des objets comme des pots. Par exemple, j'ai pu avoir accès à un certain nombre de graines en libre accès au café social La Chaouée situé dans le centre de Metz. Les plantes choisies devaient pour la plupart être de grosses graines afin de faciliter la préhension des résidents et ne pas être dangereuses ou toxiques, mais surtout être choisies par les résidents pour favoriser leur autonomie. J'ai également été soutenu par l'association O Ubi Campi qui m'a orienté dans ma démarche et dans les ateliers mis en place dans le but de répondre au mieux aux besoins des résidents. Je me suis appuyé sur les ressources déjà présentes dans la ville et dans l'Ehpad, notamment en ce qui concerne les plantes déjà présentes dont on a fait des boutures. J'ai également amorcé des partenariats avec les résidences Sainte Dominique et les Mirabelliers : lors de trois rencontres avec les ergothérapeutes en charge des jardins, des échanges très fructueux ont eu lieu au sujet des plantes, mais aussi des conseils dans la réalisation des activités, des obstacles rencontrés dans la création du jardin thérapeutique et de son organisation. Enfin, un concours de dessin

    a été lancé à l'initiative de l'Ehpad les Mirabelliers sur le thème « Comment voyez-vous votre résidence ? »

  • Les ateliers avec les résidents de l'Ehpad avaient pour objectif de stimuler les résidents en faisant resurgir leurs souvenirs à l'aide des cinq sens, mais toujours sans les mettre en échec ni les infantiliser. Cela passait par des échanges de connaissances entre les résidents, les professionnels et moi-même (techniques, connaissances, pratiques). J'ai essayé aussi de leur laisser dès que cela était possible la plus grand marge de manœuvre possible dans les activités. Par exemple, lors du « paillage des plantes », ils pouvaient choisir le matériau qu'ils voulaient : mousse, écorce de cacao à l'odeur forte de chocolat ou billes d'argile. Le toucher, l’ouïe et l'odorat ont été très stimulés lors de cet atelier (reconnaissance des bruits d'animaux, des matières à l'aveugle, ou des aliments les yeux bandés). Cette sensibilisation et cette plus grande liberté d'agir ont favorisé dès le début une réelle appropriation du jardin ainsi qu'une faculté d'adaptation des résidents. Ainsi, diverses animations et habitudes de vie ont été mises en place, comme notamment un éveil des sens, la mise en pot des fleurs, le semis, le paillage, le rempotage, l'arrosage, le bouturage, le désherbage, le création de bacs en fleurs sur la passerelle menant au jardin9, la création d'un purin d'ortie, d'hormone de croissance.Ces ateliers ont permis par ailleurs d'interagir avec les déficiences des résidents en agissant sur des objectifs précis. Par exemple, le purin d'ortie a permis aux résidents de se remémorer les activités qu'ils faisaient à la ferme et ses différentes utilisations au jardin. En dehors des activités, j'ai essayé de sensibiliser les résidents à la nature en leur proposant d'éparpiller sur la terrasse des miettes de pain afin d'attirer les oiseaux. Ceci leur a beaucoup plu, ainsi que les tables garnies de fleurs lors des repas. J'ai également aidé à la préparation et au bon déroulement d'autres activités annexes comme les anniversaires ou les messes. En outre, j'ai participé à l'élaboration des repas au PASA, et ai soutenu les actions de l'ASG (hygiène notamment des mains après les ateliers, préparation de la salle).

  • Par ailleurs, j'ai mené deux animations intergénérationnelles: l'une axée sur la mémoire et réalisée en compagnie des enfants et des petits-enfants de résidents, au terme de laquelle chacun est reparti avec une bouture de menthe10 ; l'autre avec un accueil de loisirs au cours laquelle trois groupes intergénérationnels ont réalisé soit des semis dans un bac surélevé, soit un désherbage afin d'y replanter des fleurs de toutes sortes, soit la création de trois jardins miniatures de type Zen11 en partenariat avec l'association O Ubi Campi qui a évalué les bénéfices de tels ateliers. Ainsi, la démarche thérapeutique de ce dernier atelier visait à agir sur l'autonomie fonctionnelle à travers la praxis, le lien intergénérationnel avec les enfants et l'ergonomie tout en favorisant le bien-être en extérieur. Les résidents ont également été amenés à sortir de leur routine en échangeant avec des enfants sur la manière de composer le jardin miniature.

  • Un cahier dans lequel ont été inscrites les remarques et les appréciations12 a permis d'avoir un retour des résidents après chaque activité de jardinage afin d'améliorer les ateliers et le jardin.

  • Des jardinières et des bacs surélevés ont été ajustés en fonction de l'équilibre postural13 en associant les résidents à leur construction et au choix de leur emplacement, etc..), tout en

    m'appuyant sur les conseils de l'ergothérapeute et de l'animatrice. Tous sont peints en partie avec de la peinture à ardoise ; les noms des plantes sont inscrits dessus à la craie, favorisant ainsi la mémoire, la connaissance de nouvelles plantes, la perception sensorielle et le rapport au temps (par exemple, les radis plantés dans la jardinière sont une espèce qui pousse en 15 jours).

  • Des repères ont été installés dans l'Ehpad comme le balisage pour l'accès au jardin et l'écriture des noms des plantes sur des ardoises. En effet, certains résidents me demandaient régulièrement les noms et cet oubli pouvait générer dans certains cas un énervement, voire une certaine angoisse.

  • Des jardins d'intérieur au PASA et dans les étages sur les terrasses ont été aménagés et confiés à certains résidents désireux de s'en occuper et ce, afin de les responsabiliser. Certaines d'entre elles, atteintes de la maladie d'Alzheimer, se sont pourtant très bien occupées des plantes, mêmes les plus fragiles comme les tomates.

  • J'ai tenu d'autre part des comptes rendus tous les jours afin d'avoir un suivi des évolutions comportementales, psychologiques et relationnelles des résidents, de leurs capacités, de leurs habitudes intégrées14 pour les transmettre aux professionnels concernés.

  • J'ai participé à des réunions de transmission et pluridisciplinaires pendant lesquelles j'ai présenté et fait connaître mon projet afin que le personnel volontaire et les bénévoles se mobilisent (en amenant plus souvent les résidents dans le jardin ou en effectuant le plus possible d'activités dans le jardin). Durant ces réunions, j'ai été mis au courant des problèmes rencontrés ou au contraire des progrès de certaines personnes par rapport aux objectifs fixés par le personnel.

  • J'ai suivi le concept de « sustainibility » décrit par Cooper et Barnes pouvant se traduire par durabilité ou pérennité. Il m'a en effet semblé important que certaines plantes se ressèment d'elles-mêmes. C'est un gain d'argent et de temps car il demande moins de travail aux résidents qui ont accepté aisément ce choix puisqu'il s'agissait en grande partie de fleurs. Un écosystème harmonieux a donc été créé en accord avec les concepts de la permaculture. La variété des plantes a d'ailleurs amené plus d'animaux pour les plus grand bonheur des résidents. Une prairie fleurie avec des fleurs de toutes les espèces a été semée sur la terrasse de la cafétéria.

    Différents espaces ont donc été construits au PASA en fonction des besoins des plantes : un espace associant les fleurs et certains légumes comme les tomates et d'autres avec des plantes aromatiques comme la menthe. La terrasse a par ailleurs fait l'objet d'un travail autour de la mémoire : des éléments suscitant le souvenir ont été installés comme une cage à oiseaux garnie de fleurs, des mirabelliers typiques de la région et des pancartes en ardoise pour indiquer le nom des plantes.

Il m'a semblé également nécessaire que le projet après mon départ se pérennise dans le temps. A cette fin, j'ai laissé le projet aux professionnels « clef en mains ». Ainsi, plusieurs actions ont été mises en place :

  • La création d'une « granothèque » avec plus de 30 types de plantes triées par ordre alphabétique dans des enveloppes a été installée. Les résidents peuvent y choisir les graines qu'ils souhaitent semer.

  • Le développement d'habitudes auprès des résidents s'est amorcé: les résidents vont d'eux mêmes arroser les plantes et s'étonnent de leur croissance rapide, font des commentaires sur les nouveautés comme la sécheresse de la terre, etc...

  • Deux classeurs recensant les photos des plantes mises en terre (afin de servir de support pour les activités de mémoire ou « remettre de la temporalité » par rapport aux saisons notamment) ont été réalisés. L'un a été confié à l'ASG du PASA et l'autre à l'animatrice.

  • Deux « livres des plantes »15 où toutes les plantes du jardin et celles en graines sont recensées avec leurs spécificités, leurs besoins en eau et en type de terre ont été rédigés par moi-même de façon claire et concise. Toutes les plantes y sont référencées par ordre chronologique et également décrites de manière simple avec une police suffisamment grosse et agrémentée d'une photo. Un exemplaire a été remis au PASA et l'autre à l'animatrice.

  • Un suivi des plantes et de l'arrosage a été mis en place à l'entrée du jardin afin que les parcelles où les plantes sont arrosées soient cochées à la date du jour dans un tableau. Dans la feuille de suivi, j'ai inscrit ce qui a été planté et réalisé. D'autre part, les noms des personnes les plus investies, aussi bien les familles que les résidents, ont été notés afin que les professionnels prenant le relais puissent s'appuyer sur ces personnes « ressources » et sur les partenariats engagés. Enfin, les activités qui pourraient être poursuivies ont été indiquées aux professionnels. Par exemple, après échange avec l'ergothérapeute l'arrosage des plantes et leur entretien dans les étages se sont avérés possibles lors de ses séances dans les étages.

Toutes ces dispositions ont également été prises afin de favoriser l'autonomie des résidents pour qu'ils puissent améliorer eux-mêmes leur cadre de vie. Cependant, certaines personnes n'ayant peut-être pas eu auparavant l'occasion de prendre des décisions ou ayant peur au contraire d'en prendre se tournaient souvent vers moi pour me demander quoi faire et savoir si elles faisaient bien les choses. C'est en me montrant rassurant et encourageant que je leur répondais afin qu'elles prennent confiance en elles.

D'autres obstacles ont été plus difficiles à surmonter comme le désir des résidents d'aller au jardin, seuls ; certains n'y arrivaient pas à cause de l'inclinaison de la pente restant alors dépendants du personnel16. Cela nuit à l'autonomie des résidents.

D'autre part, les personnes qui ont le plus participé aux activités sont les habitués du PASA et celles qui logent au troisième étage, c'est-à-dire au même niveau que le jardin où elles se rendaient déjà régulièrement. Cela a donc certainement facilité leur adhésion au projet. D'autres, au contraire, ayant eu un mauvais rapport au jardin avant mon arrivée ou n'appréciant guère le jardinage ont tiré moins de bénéfices de ce projet.

Enfin, afin d'impliquer davantage les professionnels, ma tutrice de stage m'a suggéré de leur donner des plantes. Ainsi, avec certains résidents volontaires, des boutures de Crassula Hobbit, une plante grasse facile d'entretien, ont été mises en pots puis offertes. J'ai apporté cette précision dans la feuille de suivi17.

 

  1. Analyse de l'apport de stage

     

L'une de mes principales missions durant le stage a été d'animer le PASA mais également d'autres activités. J'ai appris à adapter les animations et mon discours aux capacités des résidents et à leurs envies. En effet, j'ai essayé de laisser le plus de marge de manœuvre aux résidents afin qu'ils se réapproprient ce qu'ils font et qu'ils se responsabilisent. Par exemple, je leur ai confié certaines plantes afin qu'ils s'en occupent lors des week-end prolongés, ce qui a très bien fonctionné. J'ai ainsi su m'adapter aux contraintes de l'environnement comme le manque de financement et su surmonter les difficultés rencontrées en faisant appel à des ressources locales par exemple. J'ai également pu tester les activités sur le terrain auprès de publics dont le niveau de dépendance était divers. L'un des points essentiels de mon travail a été de maintenir la motivation des malades à rester actifs malgré l'image détériorée qu'ils ont d'eux-mêmes et leur tendance à se décourager face à la maladie. Dans cette optique, j'ai mis en valeur et stimulé leurs capacités préservées afin de les inciter à rester actifs et à rompre l'isolement. L'établissement d'une relation privilégiée et de confiance avec les résidents a été donc primordiale. Elle s'est faite en échangeant avec eux sur leurs envies, leurs passés et sur leurs plantes lorsqu'ils en possédaient autrefois ou maintenant dans leur chambre.

Nombre d'entre eux m'ont demandé des conseils sur leurs plantes. L'instauration d'une relation de qualité également avec les familles, les bénévoles et le personnel a également été capitale, car c'est en essayant d'être le plus transparent sur les actions que je menais et en leur proposant des plantes en « surplus » que la mise en place du projet a été facilitée.

D'autre part, la communication par le biais d'affiches, des transmissions ou des réunions a été l'un des points les plus importants du stage.

J'ai acquis de nombreuses connaissances sur le jardinage, ainsi que sur la maladie d'Alzheimer et les façons diverses dont les personnes font face à la baisse de leurs capacités et à leurs maladies. J'ai aussi appris de nombreuses techniques d'animations et à toujours garder une posture professionnelle face aux résidents. J'ai entrepris de « lâcher prise » au fur et à mesure de mon stage en les laissant agir d'eux-mêmes dans le jardin afin de voir ce qu'ils pouvaient faire seuls. J'ai d'ailleurs observé différentes attitudes des résidents lors des activités de jardinage. Certains étaient actifs, aimaient manipuler comme Mme D. ; d'autres, plus passifs, préféraient parler de l'activité ou donner des ordres comme Mr B., ou tout simplement regarder ce que les autres faisaient. Ainsi, selon Neugarten (1973) « le désengagement survient à des rythmes différents et selon des patterns différents selon les sujets » et « exerce un impact différent sur le bien-être psychologique des sujets ». Ce désengagement est à respecter. Il faut laisser à chacun le temps et l'opportunité de s'engager ou de se désengager. Le personnel peut néanmoins stimuler la personne âgée de différentes manières. Cependant, j'ai constaté que des personnes passives devenaient actives au cours d'ateliers sans pour autant avoir été stimulées. J'ai remarqué également que les résidents préféraient les activités directement gratifiantes que celles dont le retour se fait sur le long terme.

J’ai également développé des compétences en ce qui concerne l'organisation du projet : j'ai par exemple réalisé un calendrier d'actions afin de les planifier et d'anticiper les dépenses relatives au projet.18

Néanmoins, je me suis heurté à certaines limites. Deux mois se sont en effet révélés trop courts pour sensibiliser l'ensemble du personnel et des résidents et terminer le jardin dont les plantes n'avaient pas toutes atteintes leur taille adulte. De plus, la durée du stage était insuffisante pour évaluer sur le long terme les bienfaits de tels dispositifs sur les résidents. Cependant, l'intérêt d'avoir de petites plantes est que les résidents en aient la responsabilité et la fierté de savoir que c'est grâce à eux si les plantes en sont arrivées là. Enfin, fédérer une équipe autour d'un projet en amenant les personnes à se rencontrer autour du jardin est apparu parfois compliqué en raison de la taille de la structure et du nombre de résidents.

Cependant, la connaissance des différentes problématiques et objectifs des professionnels et la gestion d'équipe pourront m'être utiles si je suis amené à manager ou travailler dans un Ehpad. Grâce à cette expérience, je comprends mieux les envies des professionnels et leurs attentes, mais également leurs motivations, leurs objectifs et leurs plaisirs dans leurs métiers respectifs. Le bien-être des personnes paraît être la clef de la performance d'un tel projet.

 

Conclusion et perspectives

 

Lors de ce stage, l'amélioration du cadre de vie et de soin grâce aux ateliers thérapeutiques a été réalisée en respectant différents points clefs tels que la sécurité, l'ergonomie (comme la hauteur des mobiliers), l'esthétique (certaines zones ont été réinvesties grâce en partie aux plantes qui y ont été apportées) et le bien-être (des plantes agissant sur les différents sens ont été installées). Cela s'en est ressenti dans les retours faits par les professionnels, mais surtout par les aidants et les résidents.

Afin que le projet vive, il est apparu primordial qu'il fasse sens pour les personnes de la résidence comme les familles et les amis, les professionnels, les bénévoles et les résidents sans pour autant que tout le monde s'investisse de la même manière. En effet, les personnes peuvent avoir des rapports différents au jardin et préférer observer la nature plutôt que de jardiner. Néanmoins, afin que l'investissement ou l'intérêt des personnes soit poussé à son maximum, il est apparu crucial de

choisir des plantes qu'elles aiment et qu'elles connaissent . J'ai par ailleurs toujours veillé à ce que la prise d’initiative soit possible et laissé la plus grande marge de manœuvre aux résidents. Les plantes grasses d'intérieur ont suscité par exemple un intérêt succinct. Le fait de responsabiliser les résidents progressivement en leur assignant des tâches simples, précises et détaillées a permis un investissement accru de leur part.

Il s'est révélé, d'autre part, que certaines personnes étaient « moteurs » dans le groupe et poussaient ainsi certains résidents à agir par mimétisme, ce qui permis d'amorcer plus facilement

certaines habitudes. Néanmoins, il est apparu que les personnes dites « moteurs » ne le sont parfois plus selon l'environnement et la taille du groupe. Il a donc fallu adapter les groupes aux différentes personnalités. Un esprit de groupe s'est déclenché. Parfois, s'est manifesté un soutien physique et moral entre les résidents : ils se montraient comment faire et se procuraient du réconfort lors de baisses de moral. Par ailleurs, une relation nouvelle plus équilibrée s'est établie entre les aidants et les professionnels qui viennent chercher des plantes semées et entretenues par les résidents.

Rassembler une équipe et tous les résidents autour d'un projet est très compliqué. Ce qui est nécessaire, c'est que le plus de personnes possible s'approprient le projet qui pourra ainsi se développer et être pérennisé. Cela se passe par la progression croissante de l'autonomie des personnes impliquées dans le projet. En effet, il revient aux résidents de faire des choix : je me suis donc retiré peu à peu de la prise de décision. Le projet a ainsi été accueilli non comme une contrainte, mais comme une réalisation collective.

Bibliographie

 

  • FRANKLIN, B., Almanach du pauvre Richard, 1733, Disponible à <http://www.institutcoppet.org/wp-content/uploads/2011/02/La-science-du-bonhomme-Richard.pdf>

  • GILLIGAN, Carol, 2008 Une voix différente. Pour une éthique du care. Paris, Champs Flammarion [1re éd. : Cambridge, Harvard University Press, 1982].

  • ULRICH R. S., « View through a window may influence recovery from surgery », Science, vol. 224, no 4647, 27 avril 1984, p. 420-421. Disponible à <https://mdc.mo.gov/sites/default/files/resources/2012/10/ulrich.pdf>

2 GILLIGAN, C., Une voix différente. Pour une éthique du care. Paris, Champs Flammarion 1re éd. : Cambridge, Harvard University Press, 1982.

3 FRANKLIN, B., Almanach du pauvre Richard, 1733, Disponible à <http://www.institutcoppet.org/wp-content/uploads/2011/02/La-science-du-bonhomme-Richard.pdf>

4 Cf annexe B) Photographies

5 cf annexe H) Projets de vie

6 cf annexe E) Communication

7 cf annexe E) Communication

8 cf annexe C) Projet

9 cf annexe B) Photographies

10 cf CR 9 du 19/04/2017

11cf annexe B) Photographies

12 cf annexe B) Photographies

13 cf annexe B) Photographies

14 cf annexe A) Comptes rendus

15 cf annexe G) Livre des plantes

16 cf annexeC) Projet ; h) Évaluation de la situation

17 cf annexe D) Suivi

18Cf annexe C) Projet

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26 janvier 2018

Mémoire sur les jardins thérapeutiques pour les personnes âgées

Université Pierre et Marie Curie


Année universitaire 2016-2017

Mémoire clinique pour l’obtention du Master 2 « Expertise en Gérontologie »

Parcours Aménagement du domicile              

 

 

 

Jardins thérapeutiques

Par Mr Damien Bruckert

Présenté et soutenu le 29 juin 2017

 

 

 

 

Table des matières

Remerciements…………………………………………....……………………...............….…………......……p.1

  1. 1.             Introduction…………………………………………....…………………………….....….….p.2
  2. 2.             Présentation d’un cas clinique Mme D. ………………......………………….................p.4

2.1          Présentation du cas

2.2          Analyse de l'entretien

2.3          Résultats

  1. 3.             Compte-rendu d’entretiens avec deux experts sur le sujet ………….....……........... p.5

3.1 Entretien réalisé avec le Pr Verny

3.2 Entretien réalisé avec Mr Bourdon

  1. 4.             Compte-rendu d’entretien avec un ergothérapeute ….…………………….........…… p.10
  2. 5.             Analyse de l’interrogation de banque de données bibliographiques sur le thème.p.13

5.1  Contexte

5.2 Bénéfices

5.3 Recommandations Résumé et analyse d’un article important sur le thème

  1. 6.             Résumé et analyse d’un article important sur le thème ……………………………....p.19

6.1          Résumé

6.2          Critiques

  1. 7.             Description du site internet O Ubi Campi ……………………………………….....….....p.23

7.1 Le jardin entre lieu de recherche et lieu de vie et de soin

7.2 L'architecture au cœur de la thérapie

  1. 8.             Synthèse, conclusion et perspectives ………………………………………………........p.26    
  2. 9.      Références bibliographiques…………………………………………………………….............p.28
  3. 10.          Résumé ………………………………………………………………….........………….…......p.34
  4. 11.          Annexes ………………………………………………………………….........……….…….....p.35

11.1 Le projet de vie initial de Mme D.

11.2 NPIES et MMSE de Mme D.

11.3 Entretien avec Mme D.

11.4 Entretien avec Mme W, résidente de l’Ehpad Sainte Marie

11.5 Entretien avec Violaine, psychologue à l'Ehpad Sainte Marie

11.6 Entretien avec Juliette, ergothérapeute à l'Ehpad Sainte Marie

11.7 Entretien avec le Pr. Verny, gériatre

11.8 Entretien avec Mr Bourdon, directeur et gestionnaire de l’association O Ubi Campi

  1. 12.          Glossaire……………………………………………………………………………….....p.73


Remerciements

J’adresse mes remerciements pour leur soutien, leurs conseils et leurs attentions :

Au Pr Joël Belmin qui a apporté son aide à la conduite de cette étude,


Au Pr Marc Verny pour les réponses à mes questions,

A l’ensemble des équipes pédagogiques du Master 2 Expertise en Gérontologie,

A Étienne Bourdon de l’association O Ubi Campi qui m’a guidé, et fait bénéficier de son expérience dans les jardins thérapeutiques,

Au café social La Chaouée,

Aux EHPAD Les Mirabelliers et Sainte Dominique pour le partenariat fructueux,

A l’ensemble des équipes et des résidents de l’Ehpad Sainte Marie de Metz pour leur accueil et leur soutien,

A ma famille.

 

  1. 1.             Introduction

 

Les maladies neurodégénératives, telles la maladie d'Alzheimer qui touche plus de 800 000 personnes en France, sont en augmentation constante. Incurables, elles sont souvent source d'angoisse pour les malades et les familles qui se trouvent alors désarmés, voire plongés en plein désarroi. A cela s’ajoutent bien trop souvent des stéréotypes véhiculés par la société, notamment au sujet de la maladie d'Alzheimer[1]. Ainsi, l’âgisme, attitude qui consiste à déconsidérer, mésestimer la personne âgée, isole d’autant plus celles qui sont démentes. Or, si l'on sait que la maladie d'Alzheimer affecte la mémoire de travail épisodique et sémantique du patient, on a tendance à en omettre la dimension affective et plus généralement l'aspect social. L'intérêt des thérapies non médicamenteuses ou « thérapies relationnelles »[2] est manifeste. Le jardin thérapeutique semble être l'une des solutions les plus favorables pour faire face aux pathologies des personnes âgées résidant en Ehpad, et également pour améliorer l’image de ce type d’établissement souvent dépréciée par l’ensemble des personnes âgées[3] [4] [5] (Gilbert, 1997 ; Mattimore et al., 1997 ; Cohen et Vladeck, 1980). Les jardins thérapeutiques sont encore trop peu connus alors qu’ils pourraient optimiser la perception qualitative et la notoriété dans le public de ces structures.

Il reste cependant beaucoup à faire. En effet, selon une enquête de Fontaine de 2007, réalisée auprès de 992 unités Alzheimer[6], les espaces sont sous-utilisés dans les établissements bien que l'aménagement des espaces intérieurs comme extérieurs permettent la création de tels jardins. Et, lorsque celui-ci existe, il n'est jamais mentionné dans l'offre de soins. Face au manque d'intégration du jardin thérapeutique dans la démarche de soins, John Zeisel[7] (Zeisel, 2013) affirme qu’« une recherche est nécessaire pour évaluer les relations entre les jardins thérapeutiques et leurs incidences sur les comportements ». Pis, encore, ceux-ci sont rarement conçus en fonction des besoins des résidents et du personnel. Il s’agit maintenant de tenter de répondre à la problématique suivante : en quoi l’aménagement d’un jardin thérapeutique peut-il répondre globalement aux besoins médicaux et psycho-sociaux des usagers d’un établissement pour personnes âgées dépendantes ? Il semblerait qu’un jardin thérapeutique ait besoin de certains aménagements spécifiques pour être adapté aux pathologies des personnes âgées.

            Face à la complexité du vieillissement cérébral, à la multiplicité des troubles cognitifs et comportementaux et à la diversité du passé des personnes âgées, il est apparu plus judicieux d'utiliser une méthode qualitative afin d'appréhender le sujet âgé dans sa globalité, à l'aide d'entretiens auprès de personnes compétentes en gérontologie et auprès de résidents en Ehpad. A cette fin, c’est à travers la communication, à savoir lors des échanges qui s'établissent qu’il est possible de distinguer les effets psychologiques relevant de l'ordre émotionnel, relationnel, comportemental ou cognitif. C’est également au cours des ateliers dans le jardin thérapeutique, espace mnémonique et perceptif où l’usager est le plus à même d’utiliser toutes ses fonctions psychologiques que le thérapeute peut avoir une meilleure perception des capacités et des troubles d'une personne sans qu'elle se sente observée. Les activités qu’il propose pourront dès lors être ajustées aux intéressés.

 

  1. 2.             Présentation d’un cas clinique

 

2.1 Présentation du cas

Mme D. est atteinte de la maladie de Parkinson. Elle a souvent des crises de dyskinésie assez fortes qui lui donnent la sensation de perdre tout contrôle. Elle se sent alors très stressée et angoissée, et le fait d'être entourée par beaucoup de monde accentue cet état. Elle vient régulièrement au PASA et même plus souvent que ce qu'il n'est prévu par l'ASG.

Son score au test NPIES et MMSE est de 55 au 23/11/2016 et de 53 au 01/04/2017[8]. Ce test révèle certaines caractéristiques :

  • Une apathie et une indifférence
  • Une fréquente instabilité, voire une irritabilité de l'humeur
  • Une forte anxiété
  • Des états de dépression, voire de dysphorie
  • De nombreuses hallucinations
  • De fréquentes idées délirantes

 

Son projet de vie[9] initial a trois objectifs principaux :

  • « se rendre utile ». Relativement autonome, elle aime en effet participer aux tâches quotidiennes de la vie et est très en demande d'attentions de la part du personnel
  • « maintenir l'autonomie »
  • « maintenir les capacités cognitives et l'estime de soi ». A cette fin, il m'a semblé judicieux de

proposer à Mme D. de participer à l'activité « jardin miniature » de type Zen afin d’agir sur l'autonomie fonctionnelle à travers la praxis, l’appréhension des chutes en travaillant sur des variétés nombreuses de plantes, l'ergonomie tout en favorisant le bien-être en extérieur. En effet, selon l'association O Ubi Campi, cette activité permet de renforcer la confiance en ses capacités. Cela s'est effectivement vérifié lors de l'atelier intergénérationnel au cours duquel elle s'est montrée très active. Debout durant presque tout l'atelier, elle a réalisé un jardin miniature avec deux enfants d'un accueil de loisirs. Cet atelier a par ailleurs permis de canaliser son énergie.

Couturière de métier, elle ne peut plus dorénavant exercer cette activité qu'elle affectionnait, à cause de sa maladie. Juliette, l'ergothérapeute, a d'ailleurs été confrontée à un moment donné à Mme D. qui essayait malgré tout de faire de la couture. Elle me raconte dans l'entretien comment elle s'y est prise pour ne pas la mettre en échec : « attendez, je vais vous aider ; alors elle a dit : ah bah oui, je vais vous montrer ; (…) j'ai détourné la chose ; je lui ai dit : bah je vais être vos mains et elle était toute contente, elle m'a montré. Donc toujours vérifier que l'activité reste adaptée à Mme D., ne jamais la mettre en échec pour ne pas faire baisser l'estime de soi. » C'est donc en faisant avec la personne que la situation un peu problématique a pu se régler. Cela a permis à Mme D. de garder confiance en elle. Afin de compenser la frustration de ne pouvoir plus coudre, le jardinage paraît adapté puisqu'elle aime beaucoup jardiner et possède même des plantes dans sa chambre.

Cependant, lors des ateliers, j'ai noté qu'elle a du mal à restreindre son activité et veut trop en faire, d'où une chute lors d'un repas sur la terrasse du PASA. Elle souhaitait débarrasser la table. Pour ce faire, elle a mis les affaires sur sa chaise roulante qu'elle a poussée. Cependant, les roues se sont bloquées sur la tige de séparation de l'intérieur avec l'extérieur, ce qui a provoqué sa chute, certes sans gravité, mais qui a beaucoup perturbé Mme D. qui souhaitait absolument se rendre utile. Je lui ai donc proposé de s'occuper des plantes au lieu de débarrasser, mais en restant sur son fauteuil roulant. Elle a accepté volontiers ma proposition.

 

2.2 Analyse de l'entretien

Selon Mme D., une relation de confiance s'est nouée entre elle, les autres résidents et moi-même : « Vous faites partie de nous. » Elle a apprécié ma simplicité « dans l'action ». Cette relation d'égal à égal, où chacun a quelque chose à apprendre à l'autre, a permis des échanges spontanés et plus intimes ainsi qu'une meilleure compréhension des attentes et des désirs de Mme D.

Elle a retenu, malgré ses « trous de mémoire », les activités de jardinage, mon nom, certaines variétés de plantes comme le potiron ou les haricots qu'elle avait autrefois dans son jardin ainsi que d'autres nouvelles comme les plantes cactées. Les activités réalisées ont fait sens pour elle. Sa mémoire à court terme et à long terme a donc été sollicitée.

De plus, elle a apprécié acquérir de nouvelles connaissances comme le calendrier lunaire, les accords de plantes comme les tomates et les haricots qui vivent en symbiose. Elle s'est montrée très curieuse et a aimé faire ses propres expériences : « je ne sais pas ce que ça va donner alors faire des découvertes ensemble ! Ça serait intéressant. »

Enfin, sa mémoire procédurale comme faire des boutures ou des semis a été également mise à contribution.
            D'autre part, un travail sur ses crises d'angoisse a été amorcé. Mme D. affirme :« On a mis de l'ordre », pour ajouter plus loin : « parce que c'était truffé de mauvaises herbes. C'était fouillis. Elles avaient besoin d'ordre et vous avez su donner la touche qu'il fallait. » Son besoin de retrouver un certain contrôle sur son environnement a fait baisser son anxiété. Elle affirme : « Oh bah c'est arrangé, les plantes qui vont ensemble comme vous disiez avec les haricots et les tomates et puis les fleurs dont les couleurs vont bien ensemble. »  L'accord des couleurs, très important selon elle, a contribué à son bien-être. Ses sens ont également été mis à contribution lors du jardinage : « j'aime bien sentir le contact de la terre. » pour ajouter plus tard qu'elle aime « sentir la plante. » Mme D. a retrouvé un bien-être en étant en contact avec la nature ce qu’a d’ailleurs relevé sa fille.

Elle retrouve une certaine intimité, une vie privée depuis qu'elle est à l'Ehpad. Ne vivant pas dans la même chambre que son mari, elle peut dorénavant jardiner non seulement dans sa chambre mais également dehors car son mari ne l'en empêche plus. « Et fallait pas que j'aille dans son domaine (…). Alors je me contentais d'aller qu'à l'intérieur. Enfin bon... (elle paraît résignée) je plantais surtout des plantes qui fleurissent parce qu'elles marquent le temps. » D'autre part, les plantes sont vectrices de sens pour elle : elles lui renvoient un certain sens de temporalité et lui donnent également confiance en elle : « Bah une certaine satisfaction. Je sens que je suis récompensée de mes efforts... » Cependant, Mme D. ne se sent pas en droit de cueillir les plantes « Bah ici non, je ne me permets pas de cueillir ». Cela prouve dans une certaine mesure une désappropriation du jardin bien qu'elle jardine spontanément. Mme D. a également besoin d'avoir la reconnaissance des autres et d'échanger avec eux, tout en aimant travailler seule : « Oui bien sûr, j'aime jardiner seule, faire mes découvertes et après, les montrer. » Elle éprouve une certaine fierté d'avoir réalisé ces travaux de jardinage. Le jardin est pour elle un vecteur de liens sociaux. En effet, lors d'un atelier, elle a spontanément tenu à montrer aux autres résidents comment repiquer les boutures de violettes du cap qu'elle avait descendues de sa chambre. Elle leur a expliqué comment faire. A un autre moment, j'ai appris qu'elle avait donné des boutures de violettes du cap à l'animatrice qui souhaitait en avoir pour chez elle.

Lors de l'entretien, Mme D. a fait preuve d'une certaine logique d'esprit. Son discours était cohérent. J'ai réussi à échanger avec elle pendant près de 25 minutes. Cela dénote une faculté de concentration plus importante qu'au début de mon stage.

 

2.3 Résultats

Le jardinage est une activité qui a du sens pour Mme D., d'où un investissement important de sa part lors d'ateliers autour du jardinage. D'autre part, elle s'occupe du jardin lors des temps libres en dehors des activités organisées et de façon spontanée, ce qui est un point essentiel. Elle se place ainsi en moteur du groupe qui, par imitation, adopte les mêmes comportements et habitudes qu'elle. Selon Juliette, ergothérapeute, Mme D. peut donner « un plaisir passif » aux autres qui apprécient d'observer ce qu'elle fait.

Ses troubles du comportement sont moins importants lors des ateliers de jardinage car elle concentre son énergie sur son activité. D'autre part, malgré sa maladie de Parkinson, je n'ai jamais observé Mme D. en train de casser des plantes. Ses crises d'ailleurs ont été moins fréquentes lors des ateliers. Cependant, sa prise de médicaments est restée irrégulière alors que l'on aurait pu s'attendre à des améliorations.

Ses émotions et sa mémoire ont été sollicitées. Les relations qu’elle entretient avec le personnel et les résidents ont d’ailleurs été développées, en particulier à travers les échanges de savoirs sur les plantes.

  1. 3.             Compte-rendu d’entretiens avec deux experts sur le sujet

 

3.1 Entretien réalisé avec le Pr Verny

Le jardin thérapeutique se heurte à un problème de reconnaissance politique de la part « des agences officielles ; on n'a pas forcément envie d'avoir des investissements sur ce genre d’expérimentation. »[10]
Cette réticence à mettre en place des jardins thérapeutiques freine leur acceptation par le public et leur développement. Cela peut s'expliquer par des études réalisées sur les jardins à la méthodologie peu « solide » qui ne sont souvent de simples « études préliminaires ». Or, la méthodologie doit être « souple » pour pouvoir être généralisée. Il faut donc anticiper le procédé d'évaluation, la cible de l'évaluation, mais également les objectifs « spécifique (s) » dont il faut connaître les avantages thérapeutiques en s'appuyant sur un recueil théorique. Cependant, « extrapoler les résultats sur une autre structure, c'est compliqué méthodologiquement » car les terrains sont différents et les biais nombreux. Ils peuvent déboucher sur des « contamination(s) » des résultats. Cela participe au scepticisme des politiques publiques car « rien ne dit qu'une activité de jardinage apporte les mêmes bénéfices ». Et pour cause : la méthodologie nécessaire à mettre en place est beaucoup plus complexe qu'une étude sur des médicaments car elle nécessite une approche globale du patient souvent atteint de plusieurs pathologies, ce qui demande des réponses thérapeutiques « hétérogènes ». Néanmoins, selon le Pr. Verny, certaines structures comme l’accueil de jour et l’hôpital de jour sont plus propices à la réalisation de jardins thérapeutiques « parce que les gens arrivent par l’intermédiaire de médecins ». Il explique cela par le fait que dans les Ehpad, « les patients qui ont un diagnostic authentiquement posé, il n'y en a pas beaucoup ».
Bien que la méthode quantitative soit plus compliquée à mettre en place que la méthode qualitative, il préconise d'utiliser la première afin que l'étude jouisse d'une certaine reconnaissance. En effet, les études qualitatives servent juste, d'après lui, à confirmer les résultats obtenus lors de l'enquête quantitative en permettant d'en connaître la cause. Cela est nécessaire pour le financement du projet afin de savoir quel « retour sur investissement » l'investisseur fera.

Pour qu'un jardin thérapeutique vive, l'implication des professionnels est indispensable même s'ils n'ont pas toujours « le temps de s'occuper du jardin » ; celle des patients l'est tout autant s'ils sont « partants » et si leur handicap ou maladie ne les importune pas trop :« imaginez-vous cloué au lit avec une grosse grippe, vous n'iriez pas jardiner ».

Au cours de l'entretien, le Pr. Verny a fait preuve d'un certain scepticisme pour les jardins thérapeutiques. Cela peut s'expliquer à travers le manque d'études fiables réalisées sur les jardins thérapeutiques.

 

3.2          Entretien réalisé avec Mr Bourdon

            Mr Bourdon constate une certaine banalisation de l'emploi des mots « jardin thérapeutique »[11] sans qu'il n'y ait réellement d'entente sur son sens. Il faut d'après lui que le jardin ait fait l'objet d'une évaluation sur les bénéfices thérapeutiques et que le plus grand nombre de résidents puisse en tirer profit. Cette étude doit être soumise à des évaluations adaptées, s'appuyer sur des données vérifiables et enfin répondre aux principaux problèmes spécifiques rencontrés à l'Ehpad. La « bonne cohérence entre l'outil thérapeutique et le diagnostic » est en effet indispensable pour que des résultats positifs émergent : « cibler les attentes ». Par exemple, dans le cas de la maladie d'Alzheimer, l'objectif pourra être de cibler l'un des principaux symptômes. Les résultats se mesurent selon les objectifs à l'aune du changement de statut des usagers qui passent « de spectateur à un statut d’acteur ; et l’interaction plus ou moins forte qui en découle est renforcée par des ateliers ». A cette fin, il est bon d'élaborer un « protocole robuste, répétitif et suffisamment sensible pour que l'on puisse mesurer les différences entre les patients » à partir de tests « répétitifs », en étant toujours dans une démarche d'amélioration.

            Cette méthodologie « carrée » est nécessaire pour avoir l'aval de l'équipe de direction à qui il soumet le projet, mais aussi l'assentiment des professionnels (ayant adopté une attitude thérapeutique[12]) sans lesquels un tel projet ne pourrait perdurer. De plus, la méthode quantitative utilisée avec des données chiffrées permettra de convaincre plus facilement.

 

            Partir des ressources locales est nécessaire pour recevoir l'adhésion des professionnels qui n'ont souvent pas de temps à consacrer à d'autres actions. Les critères de mesure, quant à eux, sont utilisés couramment dans les institutions comme les Ehpad, ce qui facilite les études. Ainsi, Étienne Bourdon a pu montrer chez « les personnes atteintes de démence de type Alzheimer des effets sur les troubles d'autonomie fonctionnelle et sur les troubles cognitifs qui sont mesurables par les MMSE ». Ainsi, des tests déjà utilisés (NPIES, MMSE) pour évaluer les besoins propres à l'établissement facilitent la mise en place de l'étude. 

Il faut donc partir de la situation existante. Ainsi, Mr Bourdon fait appel à un ESAT dont il a préalablement formé des personnes handicapées pour l'entretien du jardin. Cela permet aux établissements d'avoir une déduction fiscale.

            Afin de pérenniser le jardin, Mr Bourdon propose également des formations aux personnels. Selon lui, l'important est de présenter les bénéfices que peuvent tirer les professionnels de leur formation initiale.

            Cette formation est d'autre part complétée par un support écrit qui vient renforcer ses propos. Dans ce support, on retrouve « toutes les essences du jardin », mais surtout les « profits » que les usagers peuvent en tirer, les « matériaux utilisés, comment l'architecture générale a été conçue (...) pour la population qui va le fréquenter et leur expliquer ensuite la dimension thérapeutique du jardin ». Par exemple, telle ou telle matière active permet d'agir sur tels ou tels symptômes. On entrevoit là la complémentarité des approches médicamenteuses et non-médicamenteuses. Il constate alors un cercle vertueux : « les équipes vont du coup voir et communiquer que le jardin a permis une amélioration sur tel ou tel point. » Cela permet alors de fédérer les équipes autour du jardin thérapeutique.

            Enfin, Mr Bourdon insiste sur l'importance d'une communication « claire » auprès des familles et des résidents qui doivent être informés des effets bénéfiques de chacun des ateliers.

 

            « Inciter les personnes à investir le jardin » permet d'agir sur la dimension sociale du jardin thérapeutique. Ainsi, Mr Bourdon propose de réaliser périodiquement des événements qui vont « marquer les esprits ». Le jardin aura alors une connotation positive et amènera les personnes à l'utiliser, renforçant alors les effets thérapeutiques. Il se créera alors un cercle vertueux.

Or, le bien-être amorce la thérapie. Il faut donc « raboter tous les freins qu’ils soient physiques ou moraux” pour augmenter l'usage du jardin.

            Cependant, la thérapie est l'étape ultime et doit donc reposer sur des « fondations solides », à savoir la sécurité et l'ergonomie qui n'ont certes pas d'effet thérapeutique en elles-mêmes, mais qui sont nécessaires à la mise en place efficace de la thérapie. Il faut par conséquent que le jardin rentre dans les mœurs des personnes âgées et des professionnels. Sa proximité pour les résidents incite à l'utiliser souvent ; de plus, son aspect esthétique agréable offre une « invitation permanente » aux personnes âgées afin qu'elles sortent de leurs « zones de confort » et viennent régulièrement profiter des bienfaits des ateliers qui s'y déroulent. 

 

  1. 4.             Compte-rendu d’entretien avec un ergothérapeute

L'entretien a été réalisé avec Juliette, l'ergothérapeute de l'Ehpad Sainte Marie.

 A ma question « Qu'est-ce qu'un bon jardin thérapeutique ? »[13], Juliette a apporté plusieurs réponses :

  • Le jardin doit être adapté aux personnes âgées. Pour cela, il faut qu'il réponde « aux besoins du jardinier et soit en phase avec les capacités physiques des personnes ». Le jardin thérapeutique suppose une « évaluation... et calculer les limites » sous peine de mettre en échec les jardiniers. Il faut donc anticiper la création d'un tel projet en fonction des difficultés à venir et penser à une évaluation de son efficacité.
  • Un jardin est thérapeutique s'il répond à un objectif, « par exemple, déambuler ». C'est au thérapeute qu'il revient la tâche « d’adapter l’activité pour la personne » sans qu'il n'y ait de

« frustrations ».

  • Afin de motiver les intéressés, il est nécessaire de stimuler leur sens « auditif », « moteur », « sensoriel » et leur « donne(r) envie ». Cela peut être effectif grâce à la récompense qu'ils peuvent en tirer. Par ailleurs, cette motivation peut être sollicitée grâce au travail du thérapeute qui les questionne sur leurs envies et peut être amené à leur « montrer les choses » et les placer en observateurs. Le travail sensoriel est capital. La stimulation diffère selon les personnes ; ainsi, selon Juliette, chaque résident sera plus sensible à la stimulation d'un sens qu'un autre.Elle rajoute : « la clef, c'est de tourner les activités autour de ce qu'elles faisaient avant, c'est là où t'as le plus d'intérêt parce que t'as de l'émotion (…) ». Les sens doivent être stimulés et ce d'autant plus que « plus on se dégrade, plus il faut partir des sens... »
  • Le jardin doit faire sens pour les résidents. Il faut que les plantes évoquent des pensées positives et partent de leurs désirs, d'où la nécessité d'un travail esthétique : « il faut un-tape-à-l ‘œil qui donne envie. » Ainsi, il faut mettre « des choses qui égayent, des fleurs, (…) susciter du plaisir. »
  • D'un point de vue fonctionnel, le jardin thérapeutique doit avoir une « bonne continuité dans le temps », en d'autres termes pouvoir se pérenniser.

Juliette me conseille de proposer aux résidents des plantes à la croissance plus ou moins rapide, qui « bouleversent » l'espace comme les courgettes ou les potirons. Cela demande aux résidents un travail d'observation et de surveillance. Elle me suggère également de sélectionner des plantes n'exigeant « pas trop d'entretien » pour éviter toute perte de temps car les « tomates, ça fait beaucoup de travail, tuteurer, attacher, retirer les gourmands. »

Elle me propose aussi de placer différemment « les petites jardinières » en les suspendant « vers l'intérieur comme ça, ça réduit la distance pour les personnes en fauteuil. » Le jardin est ainsi plus ergonomique et les résidents plus à même de jardiner. Elle me conseille enfin d'installer des éléments fixes servant de points de repères aux résidents, associés à d 'autres mobiles comme les chaises, qui favorisent la personnalisation du jardin et l'autonomie. Ainsi, ceux qui souhaitent s'asseoir, peuvent disposer les chaises comme ils l'entendent et éventuellement choisir avec qui ils veulent discuter. D'autre part, les résidents sont responsabilisés : c'est à eux d’« enlever des fleurs fanées » par exemple ; mais il faut veiller à ce qu'il n'y ait « pas de risque pour eux ». Afin de favoriser autonomie et responsabilité, les activités doivent cependant se faire avec les résidents ; par exemple, « aller avec les résidents acheter les plantes. (...) Sortir avec un but tu vois, t'as une responsabilité. »

Enfin, il lui paraît important de créer des habitudes de vie autour du jardin. « Tu mets un parasol et tous les matins au PASA, ils viennent boire le café », et toujours « répondre aux envies et faire en fonction des capacités des résidents » en respectant les différentes relations qu'ils entretiennent avec le jardin.

 

Des limites ont été soulignées par Juliette. Elle y a apporté certains éléments de réponse.

  • En ce qui concerne les résidentes, Juliette affirme que « beaucoup de dames (...) ont peu confiance en elles ». Cela peut s'expliquer à la lumière de leur passé. Cependant, cela perturbe leur spontanéité et leur créativité lors des activités. Nombre d'entre elles n'osent pas agir et demandent de l'aide. D'autres, au contraire, souhaitent faire plus que ce dont elles sont capables. C'est le cas de Mme D. : « Mme D., elle a une énorme « niaque » après, au niveau de la pathologie, les gens la vivent très différemment que ce soit au niveau physique ou mental. Tu vois que c'est une personne qui malgré ses difficultés corporelles et ben elle y va. ». La maladie est vécue différemment selon les personnes âgées. Il est donc important que le thérapeute régule les activités et soit attentif aux difficultés de chacun.
  • Le jardinage dépend du temps qu'il fait. Néanmoins, lorsqu'il fait mauvais, les résidents peuvent tout de même observer : « voir les feuilles qui tombent, tu sais à quelle période tu es ». Cela leur redonne le sens de la temporalité.
  • D'autre part, le jardin thérapeutique est un excellent support pour un ergothérapeute puisqu'il permet de faire la majorité des rééducations : « tu pourrais tout tourner autour, enfin, au niveau de la rééducation fonctionnelle » en travaillant la « motricité (…) fine ou globale ». Certaines limites s'imposent malgré tout aux professionnels. Il est nécessaire selon l'ergothérapeute de « veiller à ce que les habits soient adaptés ». En effet, certains résidents sont chaussés de pantoufles, ce qui génère un risque de chute. Ainsi, le thérapeute doit « anticiper ». Cela lui prend du temps et enlève la spontanéité du résident qui veut aller jardiner. Il faut donc à chaque étage ouvrir les portes donnant accès aux terrasses et au jardin : « ça peut débloquer la spontanéité ». Cependant, cette ouverture se heurte au règlement qui impose des horaires d'ouverture : le jardin « est fermé à clef » de 10h à 20h pour éviter toute fugue. Quant aux terrasses, elles ne sont accessibles qu'accompagné d'un professionnel. Cette situation peut empêcher l'appropriation du jardin et des terrasses par les résidents. D'autres limites institutionnelles se dressent comme « les moyens financiers » car « les dons ne sont pas toujours suffisants. ». Enfin, la sécurité et les « contraintes sanitaires » peuvent également être un frein au projet. En effet, certaines personnes démentes ne peuvent être laissées seules dans le jardin.

Elle me suggère enfin que des jardins d'intérieurs ou des jardinières sur les terrasses des étages soient aménagés afin que les résidents puissent s'en occuper eux-mêmes. Ainsi, lorsqu'elle fait marcher sur la terrasse, elle peut également faire arroser les plantes par ses patients. Mais il lui faut « avoir l'autorisation des résidents » pour faire la séance dehors.  Juliette propose que le matériel de jardinage soit directement mis à disposition en le rangeant dans les étages : « si tu perds du temps à courir partout pour aller chercher du matériel, c'est compliqué... » Il faut que les tâches à accomplir soient « simples ».

Elle craint par ailleurs que le jardinage se fasse dans ses temps libres et ne soit alors pas « régulier. » Les bienfaits perdraient alors de leur « efficacité ». En outre, pour éviter toute perte de temps, elle préfère « faire travailler pendant les activités de l'animatrice » afin que cela donne du sens à l'action du patient et que ce soit « plus sympa ». Néanmoins, le fait que le jardin soit commun, le risque d'une moindre implication des résidents existe à cause de certaines inimitiés.

Afin que le jardin thérapeutique soit le plus bénéfique possible, il est nécessaire d'autre part que le jardin se situe à proximité des personnes âgées. Ainsi, les personnes dont les chambres sont trop éloignées ne s'y rendent guère.

Les limites dans la mise en place du projet sont aussi d'ordre environnemental. Ainsi selon Juliette, la passerelle d'accès au jardin a une pente certes « douce mais quand même présente ». Celle-ci empêche l'accès d'un certain nombre de personnes, notamment celles en fauteuil roulant. En outre, elle affirme qu'au PASA le « joint d'étanchéité qui bloque les fauteuils roulants (...) fait que certaines personnes parfois s'énervent contre elles-mêmes. Sur l'autonomie ça a un impact ! » Cela fait perdre en effet, la confiance en eux et la liberté des résidents qui souhaitent d'eux-mêmes aller au jardin. D'ailleurs, c'est ce même joint qui a été la cause de la chute de Mme D. (Cependant, la présence de ce joint est rendue obligatoire dans les Ehpad par la loi.) Ces limites sont donc un frein à la responsabilisation des résidents et à leur autonomie.

Enfin, selon Juliette, l'efficacité d'un jardin se mesure à l'aune de :

  • L’affluence, « ça peut être la demande, le plaisir ». Le plaisir est aisément identifiable car les résidents sourient plus facilement puisque, d'après elle, nombre d'entre eux ont « une petite régression et désinhibition ; tu sens si ça lui fait plaisir » et inversement.Leurs remarques sont également plus directes, ce qui permet d'avoir un échange plus spontané avec eux
  • La douleur, subjective, qui dépend de l'environnement ou des personnes présentes : « rien que le fait d'être avec la personne, bah tu portes de l'attention à la personne », ce qui diminue la sensation de douleur. Ainsi, la simple présence de quelqu'un qui leur est cher permet d'apaiser leur souffrance
  • La liberté des résidents qui entreprennent d'eux-mêmes de jardiner quand bon leur semble
  • L’absence de « contraintes physiques » qui gêne l'autonomie des résidents.

 5.             Analyse de l’interrogation de banque de données bibliographiques sur le thème

 

5.1 Contexte

Les jardins thérapeutiques font partie des nouvelles thérapies non médicamenteuses. Ils sont d'ailleurs souvent l'objet de débats, notamment au sujet de leur appellation : certains[14] (Ribes, 2011) préfèrent utiliser le terme de « thérapies relationnelles » tandis que d’autres parlent d’« intervention thérapeutique[15] [16]» (Cohen-Mansfield, 2005 ; Woods, 2004).  En effet, le terme de thérapie suppose une guérison. Cependant, dans le cas des maladies neurodégénératives, bien que les bienfaits du jardin soient prouvés, nulle guérison n'est possible. A cela s'ajoutent nombre de carences méthodologiques lors d'études établies sur le sujet[17].

5.2 Bénéfices

Toutes les personnes semblent conditionnées par la société à percevoir de façon positive les environnements végétaux comme les forêts[18] en stimulant certaines zones du cerveau associées aux émotions. Certains expliquent cette sensibilité à travers la psychologie[19] (Kaplan, 1995, Kaplan, 1989), d’autres à travers la génétique[20] (Ulrich, 1993) tandis que d’autres l'appréhendent par l'action de l'éducation et par la sociologie [21] (Dadvand et al. 2016). Cela est d'ailleurs visible dans l'hémisphère droit du cerveau sollicité lors de l'adaptation d'une personne à un nouvel environnement mettant en route un processus de création.

Les effets bénéfiques sont nombreux. Ils se retrouvent dans différentes cultures[22] occidentales et orientales (Ulrich et Parsons 1992). Cependant, de tels jardins peuvent s'avérer contre-productifs s'ils sont stressants, institutionnalisés, ou encore s'ils ne répondent pas aux besoins émotionnels et psychologiques des bénéficiaires. La nécessité de développer des jardins thérapeutiques efficaces, relaxants et centrés sur le bénéficiaire est soulignée[23] (Gerteis et al., 1993) : il doit prendre en compte la maladie et le handicap. D'autre part, les bienfaits peuvent varier selon les prédispositions des usagers ; en effet, un jardin qui n’a pas de signification positive pour une personne aura nettement moins d’effet favorable sur cette dernière.

La réduction de stress est de toute évidence le principal bénéfice des jardins thérapeutiques[24] (Cooper et Barnes, 1995). Quid du stress ? Le stress est un processus de réponse face à un contexte ou des situations éprouvant, perturbant ou menaçant le bien-être. Or, il a été prouvé[25] (Gatchel et al., 1989) que le contexte hospitalier renforce ce stress induit par : la dépersonnalisation, le sentiment d’insécurité, la douleur, le manque d'intimité et le sentiment de perte de contrôle. Ce sentiment de contrôle, en tant que capacité réelle ou imaginée d'une personne à pouvoir déterminer ce qu'elle veut ou ce que les autres peuvent lui faire (Gatchel et al., 1989), favorise une meilleure gestion du stress face aux événements et par là même, une meilleure santé[26] (Evans et Cohen, 1987). Or, ce sentiment est exacerbé lorsque les bénéficiaires sont impliqués dans la mise en place du jardin[27] [28](Francis, 1989 ; Hester 1984). Il est d'ailleurs intimement lié à l'autonomie ; un jardin présente l’avantage de pouvoir choisir ce qui est planté. Ainsi, si les personnes ont cette liberté, elles peuvent planter des légumes de leur choix, puis les cuisiner, exerçant alors un certain contrôle sur leur nourriture.

D’autre part, les visiteurs et les familles sont sensibles au stress provoqué par les activités des soignants, du fait d'un sentiment de perte de contrôle sur la situation[29] (Coffey et al., 1988). Or, sans les visiteurs, les résidents risquent de se sentir plus isolés : les relations sociales proches sont déterminantes De plus, la qualité de la prise en charge est directement associée à l'implication de la famille, des bénévoles et des personnes religieuses[30] (Barney, 1974). D’après une étude de 1993 de Barlett[31], le fait que le jardin séduise davantage les familles le rend alors plus attrayant aux yeux des résidents. Se sentir entouré et aidé par les proches mais également par les autres résidents de l’Ehpad, rester actifs sont autant d’éléments qui participent au bien-être des résidents[32] (Kuo et al. 1988).

Des bienfaits d'ordre physique découlent de la présence d'un jardin thérapeutique : une meilleure qualité de sommeil et une moindre pression sanguine grâce à la simple vue de la nature augmentent la vitesse de remise en forme[33] (Driver et Knopf, 1976). Ces avantages sont d'ailleurs renforcés lorsque des exercices réguliers et ardus sont entrepris par les résidents. Une étude a en effet démontré qu'une marche de 20 minutes à raison de trois fois par semaine réduit les symptômes de la dépression[34] (Mc Neil et al.,1991), ce qui a été confirmé par la suite par d'autres études[35] (Ruuskanen et Parketti, 1994).

            Par ailleurs, pour la société, réduire la durée d'hospitalisation (Rubin et al. 1997) grâce à un environnement amélioré est capital ; l’argent économisé pourra être réemployé dans le projet. Ainsi, un jardin thérapeutique atteindra-t-il une meilleure efficience[36] (Bone et Nurse, 2010).

5.3 Recommandations

Afin d’obtenir les meilleurs bénéfices d’un jardin, certaines recommandations ont été émises :

  • L'architecture doit favoriser l'autonomie des usagers en atténuant leur sensation de handicap, soigner l'esthétique, stimuler les sens et les émotions. Nombre d’études ont prouvé les bienfaits, par leur simple présence, de tels jardins[37] [38](Ulrich, 1984 ; Gesler, 1992)
  • Des jardins plus accueillants ont pour conséquence d’accroître le nombre des usagers qui s'y promènent
  • La structure doit être conçue de telle sorte qu'elle facilite la marche à pied des résidents ; il a été prouvé que de petites distances favorisent la marche[39] (Carstens, 1985)
  • L'éloignement géographique diminue au contraire l'attractivité du jardin[40] (Carpman et Grant, 1993)
  • Un mobilier ajustable permet de s'adapter aux besoins et souhaits des résidents, facilitant ainsi leur autonomie et rendant le lieu soit plus ouvert soit plus intime. 
  • Les animaux de compagnie sont fortement appréciés[41] (Cranz, 1987) : ils peuvent être inclus dans des thérapies dont les effets bénéfiques viennent s’ajouter à ceux du jardin thérapeutique
  • Si la stimulation de l’odorat notamment[42](Diego al., 1998) apporte un bien être, trop de stimulation nuit[43] (Berlyne, 1971). Le jardin doit être avant tout sensoriel : tous les sens sont mis à contribution. Selon leur sensibilité, certains seront plus réceptifs à des éléments qui sollicitent les différentes mémoires (olfactives, visuelles, auditives, etc.). Des éléments interactifs pourront également agrémenter un jardin thérapeutique afin que chacun retrouve certaines sensations.
  • Une étude a montré que la prise en compte de l'émotion chez la personne démente a des améliorations significatives sur sa qualité de vie et ses fonctions cognitives comme la mémoire[44] (Spector et al., 2003)
  • Les environnements provoquant des nuisances sonores ou visuelles sont vecteurs de stress. Trop de lumière peut gêner d'autant plus que de nombreux résidents ont des problèmes de vision. Il est donc nécessaire de créer des contrastes entre la lumière et l'obscurité ainsi que des variations de taille des supports des plantes. Les sons de la nature[45] (Annerstedt, 2013) ont eux des effets positifs sur la qualité de vie en diminuant le stress ressenti
  • L’environnement du jardin peut également ramener un certain sens de la temporalité au résident qui pourra observer, par exemple, l'apparition des fleurs au printemps ou les feuilles qui tombent à l’automne[46] (Carpman et Grant, 1993).

 6.             Résumé et analyse d’un article important sur le thème[47]

 

6.1 Résumé

Les multiples bénéfices des jardins thérapeutiques sont observables dans différents types de structures. Ils sont de différents ordres et s'appliquent à toutes sortes de personnes :

  • Le résident peut en tirer des avantages sur les plans psychologiques (moindre stress, anxiété diminuée, sentiment de bien-être grâce à des émotions positives) et physiques (baisse du risque de maladies cardio-vasculaires, pratique du sport renforcée, bon appétit et meilleure qualité du sommeil)
  • Les relations entre les aidants et les soignants peuvent être améliorées, d'où l'émergence d'une communication de qualité
  • Le personnel lui-même en ressent les effets positifs. En effet, le bien-être des résidents fait baisser le nombre de doléances ou événements indésirables et ainsi diminue les transmissions, et même les tentatives de fugues. Enfin, le deuil du départ du domicile est mieux accepté par les résidents, ce qui facilite le travail des professionnels.
  • En ce qui concerne l'institution, un jardin thérapeutique peut faire baisser le montant des charges comme la durée de séjour plus courte ou une moindre consommation de médicaments et ainsi amortir les frais qu'il représente. Un jardin renforce également l'image de marque de l'établissement.

Néanmoins, pour que ces effets bénéfiques soit optimisés et le plus nombreux possible, le jardin thérapeutique doit être adapté aux troubles spécifiques des patients. Il faut donc l'inscrire dans la démarche du projet de l'établissement, qui est d'ordre participatif : chacun des professionnels doit s’impliquer. D'autre part, il est nécessaire d'anticiper l’organisation et les coûts d'un tel projet qui reste souple et s'adapte aux changements possibles. Il peut aussi se construire en collaboration avec des partenaires et faire l'objet de transmissions des objectifs aux professionnels.

 

6.2 Critiques

Le plan Alzheimer[48] incite les structures à se doter d’un jardin thérapeutique. Néanmoins, le Plan Alzheimer ne propose pas de définition claire. Il ne propose pas de ligne de directrice : quels ateliers y fait-on ? Est-ce que le jardin thérapeutique apporte une réponse plus pertinente aux personnes en début de maladie ou à des stades plus avancés ? Qu’y plante-on ? Sur quels symptômes de la pathologie peut-on espérer des bénéfices ? Autant de questions en suspens qui ne trouvent pas de réponse précise dans le plan Alzheimer.

 

            L'aménagement doit offrir un aspect rassurant, sécurisant et respecter les normes institutionnelles : on vise le bien-être de tous. Cela passe par des relations harmonieuses, des informations claires pour éviter l'anxiété, le respect de la sphère privée, mais surtout par la clarté de la signification, de la raison d'être du jardin aux yeux des usagers. Les bénéfices sont plus ou moins forts selon le sens que le jardin thérapeutique aura pour eux.

            Par ailleurs, si la stimulation à travers une dimension artistique peut s'avérer bénéfique, il est important de toujours partir ce que veulent les patients. Il faut également que la stimulation cognitive soit spécifique aux troubles des personnes âgées démentes pour qu'elle soit transférable dans le quotidien et ait des bénéfices cliniques[49] (Clare, 2004). Par exemple, la rééducation de l'orientation d'une personne doit être individualisée et centrée sur la personne.

            Le jardin doit certes être intégré à son environnement architectural, culturel, géographique, historique mais également prendre en compte la dimension personnelle en étant chaleureux. Ainsi, des ateliers intergénérationnels avec des enfants pourront plaire à certains résidents aimant l'ouverture sur l’extérieur, mais pas à d'autres qui préfèrent la tranquillité et l'intimité dans le jardin. Pour éviter ces écueils, il est essentiel d'interroger les résidents et de leur offrir la plus large palette de possibilités : des espaces conviviaux couplés d'espaces plus intimistes. Les scientifiques ne sont d'ailleurs pas tous d'accord au sujet des relations sociales : certains suggèrent que les enfants sont un bon vecteur d'interactions avec les personnes âgées et repoussent les limites des groupes ; d’autres, en revanche, affirment que des groupes familiaux ou amicaux déjà formés sont plus à même d'interagir socialement et de créer de nouveaux liens sociaux[50] (Peters et al., 2010).

            C'est donc l'autonomie, au sens étymologique grec : auto et nomos, littéralement faire ses propres normes qui doit être favorisée. Il s'agit de la capacité d'une personne à faire ses propres choix quel que soit son niveau de dépendance définie comme étant la limitation d'une personne à pouvoir exécuter ses gestes quotidiens ; la personne sera le mieux à même de décider. L'usager doit donc participer au projet du début à la fin, d'où des effets bénéfiques sur la mémoire de travail et sur l'ouverture au monde. Ainsi, selon Franklin[51] (1733), « Tu me dis, j'oublie. Tu m'enseignes, je me souviens. Tu m'impliques, j'apprends. » Cependant, l'autonomie ne peut être assurée sans l'intérêt ni l'investissement des soignants qui font vivre le projet. Ainsi, si les soignants n'utilisent pas le jardin et n'y amènent pas les résidents, le projet ne perdurera pas. En effet, une contrainte d'ordre institutionnelle existe : l'accès en permanence n'est pas possible en PASA et dans certains jardins. La présence d'un professionnel sur le terrain qui veille les résidents est donc nécessaire. Les soignants doivent ainsi être inclus dans le projet, responsabilisés et également formés. Un tel projet peut par ailleurs s'inscrire dans un cercle vertueux en offrant l'avantage de fédérer les équipes si une bonne coordination entre elles est maintenue ; moins de burnout[52] (Bernez et al., 2017) et de turnover en découleront. Or, ce dernier est l'une des principales causes de baisse de la qualité de la prise en charge des résidents. D'autre part, certains conflits d'intérêts entre résidents et professionnels peuvent éclore si un jardin n'est réservé qu'à une seule population, par exemple les personnes âgées des unités protégées.

            Donc, le jardin thérapeutique en tant que lieu de soin participe à l'entente professionnelle. Cependant, il est important de savoir ce qu'il représente pour les personnes âgées. Ainsi, certains résidents pourront vivre comme un intrusion le fait que des infirmiers viennent leur donner leurs médicaments dans le jardin si c'est pour eux un lieu privé. Il est nécessaire pour les soignants d'entretenir à la fois une attitude thérapeutique et une relation de confiance avec les résidents. Ce n'est donc que lorsque le jardin est pleinement investi qu'il peut devenir un lieu d'échanges entre professionnels, familles et résidents.

            D'autres éléments sont à éviter comme les œuvres figuratives[53] (Ulrich et al. 1993). Les personnes âgées préfèrent en effet les tableaux de paysages évoquant quelque chose de compréhensible. Il faut donc préférer des collaborations avec des professionnels ayant reçu une spécialisation en gérontologie afin d'éviter certains écueils :  des paysagistes, par exemple, peuvent ne pas avoir été formés aux besoins spécifiques des personnes âgées. Les artistes ne sont également pas toujours en adéquation avec les besoins des personnes âgées démentes, préférant le côté « dérangeant » de leurs œuvres, vecteurs de stress[54] (e.g. Winston et Cupchik, 1992).           

Le libre accès à un jardin dans une résidence améliore certes l’autonomie des résidents atteints de la maladie d’Alzheimer : les patients peuvent fréquenter le jardin, où ils viennent à leur rythme s’asseoir, regarder, toucher, sentir les plantes et gagner ainsi en autonomie. Néanmoins, les contraintes horaires qui lui sont impartis ou la fermeture des portes notamment lorsque le jardin est conçu pour un PASA, empêche les résidents d’y entrer spontanément ce qui peut limiter les bénéfices espérés.

 

 7.             Description du site internet O Ubi Campi[55]

 

7.1 Le jardin entre lieu de recherche et lieu de vie et de soin

Si certaines études ont démontré l'effet bénéfique inhérent au jardin sur les patients[56] (Ulrich et al., 1993 ; André, 2012), l'association O Ubi Campi a souligné les bienfaits de la “matière active”, en d'autres termes, des activités qui s'y déroulent. La « matière active » du jardin thérapeutique permet de cibler et d'orienter les occupations qui ont lieu dans le jardin en fonction des pathologies.  Cette « matière active » a fait l'objet de tests (notamment grâce à un simulateur de vieillissement et de handicap) et d'évaluations pour en vérifier l'effet sur les pathologies. Une ou plusieurs « matières actives » par pathologie y ont d'ailleurs été associées. Néanmoins, vu la multiplicité des profils pathologiques et des poly-pathologies, la démarche doit être étendue à un ensemble de champs d'action. Les « matières actives » ciblent les principaux troubles rencontrés dans l'établissement où se développe le jardin. Or, l'association définit le jardin thérapeutique comme étant un espace pouvant, à partir du diagnostic posé, de sa gravité et du profil pathologique du patient, agir sur des objectifs spécifiques de soins tels que les troubles du comportement ; et ce, sur une période prédéfinie. Pour remplir au mieux cette mission, le jardin thérapeutique devra être le plus à même de faciliter les activités qui s'y déroulent. D'autre part, pour qu'un jardin soit vraiment thérapeutique, il est nécessaire que ses objectifs soient fixés, ajustés et évalués à partir d'échelles validées par le monde scientifique et adaptées aux pathologies des patients (MMSE, Codex et NPI), en prenant en compte la fréquentation du jardin.

 

7.2 L'architecture au cœur de la thérapie

L’architecture se place au cœur de la thérapie en offrant un cadre sécurisant, adapté aux personnes âgées notamment grâce à l'ergonomie des supports des ateliers. O Ubi Campi a d'ailleurs veillé à ce que l'architecture remplisse ces fonctions variées tout en travaillant sur le design, le bien-être, pour pallier les troubles du comportement qui sont les principales pathologies rencontrées en Ehpad. Le jardin doit ainsi parfaitement s'intégrer à l’architecture souvent préexistante au projet et offrir un cadre de vie rassurant avec, par exemple, une signalétique claire. D'autre part, cette architecture a fait l'objet d'une étude visant à souligner les avantages que peuvent en tirer leurs usagers. Or, il a été mis en évidence que l'action s'étend à l'ensemble des personnes qui fréquentent le jardin thérapeutique. Ainsi, un accueil favorable du jardin par le grand public pourra d'ailleurs l'être d'autant plus au vu des vertus thérapeutiques qu'il pourra observer sur les personnes atteintes de maladies. Cela permettra sans doute de changer le regard souvent négatif que porte la société sur les maisons de retraite et les maladies neurodégénératives. Cependant, pour que le jardin thérapeutique soit réapproprié par le personnel, il est nécessaire que ces derniers y soient sensibilisés et reçoivent une formation. Une « manuel d'utilisation » a ainsi été conçu pour les soignants. Cela permet une pérennité du jardin thérapeutique, moins d'entretien donc moins de dépenses, un regroupement des acteurs autour du projet ainsi qu'une valorisation du jardin thérapeutique. Le bien-être du personnel de la structure grâce au jardin, sera alors bénéfique à l'ensemble des résidents.

 

 8.             Synthèse, conclusion et perspectives

Le jardin thérapeutique standard n’existe pas. Il dépend d'une multitude d'éléments comme le contexte, le rapport au jardin des usagers ou les pathologies que les usagers contractent auxquels il faut penser au préalable avec toutes les personnes attachées à ce projet. Cela ne veut pas pour autant dire que ce projet ne doive pas suivre une certaine méthodologie souple et adaptable. Le jardin doit être personnalisé et favoriser l'autonomie en créant un environnement adapté aux résidents, à leur handicap, leur mobilité, leurs capacités attentionnelles afin d’être accueilli favorablement. Ce qui importe, c'est bien d'avoir un fonctionnement adapté à l'activité et aux résidents dans leur environnement. Concernant les activités, elles doivent être ciblées et faire l'objet d'un découpage en actions simples et séquencées facilitant alors la participation. Il faut ainsi donner aux résidents la possibilité de surmonter des obstacles en trouvant des solutions.

Un jardin devient thérapeutique lorsqu’il est conçu pour une population spécifique et dans un but précis[57] pour anticiper les bénéfices thérapeutiques à la suite de validation par des tests cliniques réalisées avec des experts. Nombre d’études ont été d’ailleurs réalisées pour prouver les bienfaits de tels jardins. Certaines affirment que le jardin est intrinsèquement bon et apporte un bien-être à travers une réduction du stress et un meilleur état physique. Cependant, un jardin, pour qu’il soit thérapeutique, a besoin de s’appuyer non seulement sur des activités adaptées au public visé, mais également sur l’engagement du personnel, des aidants et de l’institution. En effet, si l’ensemble des usagers ne se l’approprient pas, les bénéfices seront moindres. Le jardin doit donc constituer un véritable support thérapeutique. Cependant, loin de remplacer la thérapie médicamenteuse, une telle thérapie non-médicamenteuse apporte un complément en renforçant la visée thérapeutique développée.

La responsabilisation des professionnels favorise une certaine créativité dans la recherche de solutions face à des problèmes rencontrés et une réappropriation du projet. Ils doivent accompagner[58] les résidents. C’est pourquoi un certain type de management plus collaboratif et moins hiérarchique parait nécessaire.

L’usager de simple observateur doit par ailleurs atteindre un statut « proactif »[59] se plaçant alors dans un processus de création et de responsabilisation.  Le gain de temps pour les professionnels dans la mise en place de l’autonomie n’est pas négligeable. Ce sont les résidents qui prennent l'initiative d'agir et de proposer des idées. C'est donc à travers une approche préventive touchant l'ensemble de l'environnement et des personnes gravitant autour du projet qu'un bien-être bénéfique découlera[60] (Heerwagen, 1990). Cela se fait sur le long terme et nécessite des ajustements afin que le jardin soit individualisé et personnalisé aux usagers dont il faut prendre en compte la globalité pour que les bienfaits soient optimums.

Réaliser une étude quantitative à la suite de cette étude qualitative sur le jardin thérapeutique permettrait d’en vérifier les résultats et de mesurer les bienfaits d’une approche globale de ce projet. De plus, une telle analyse confirmerait les résultats en leur donnant alors une véritable assise au sein de la sphère professionnelle, institutionnelle, voire politique.

 

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-                Ruuskanen, J.M., and T. Parketti (1994) “Physical Activity and Related Factors among Nursing Home Residents.” Journal of the American Geriatrics Society, Vol. 42, pp. 987-991.

 

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-                Site internet Therapeutic Landscapes Network, Naomi Sachs, Founder & Director

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-                Spector A., Thorgrimsen L., Woods B., Royan L., Davies S., Butterworth M., et al. (2003) Efficacy of an evidence-based cognitive stimulation therapy programme for people with dementia: randomised controlled trial. Br J Psychiatry 2003; 183: pp. 248-54.

 

-                Ulrich, R. (1984), View through a window may influence recovery from surgery, Science, vol. 224, pp. 420-421.

 

-                Ulrich, R. S., (1993) “Biophilia and Biophobia, and natural Landscapes” In S. A. Kellert and E. O. Wilson (Eds.), The Biophilia Hypothesis, Washington DC: Island Press/Shearwater. pp. 74-137.

 

-                Ulrich R. S., O. Lundén, and J.L Eltinge (1993) Effects of Exposure to Nature and Abstract Pictures on Patients Recovering from Heart Surgery. Paper presented at The Tirthy-Third Meeting of the Society for Psychophysiological Research, Rottach-Egern, Germany. Published in Psychophysiology, Vol.30 (Supplement 1, 1993) pp. 7.

 

-                Ulrich R. S. and R. Parsons (1992) “Influences of Passive Experiences with Plants on Individual Well-Being and Health” In D. Relf. (Ed.) The role of Horticulture in Human Well-Being and Social Development. Portland, OR: Timber Press. pp. 96-105.

 

-                Vladeck, B. (1980) « Unloving Care: The Nursing Home Tragedy. » New York: Basic Books.

 

-                Winston, A. S. et G. C. Cupchik (1992) « The Evaluation of High Art and Popular Art By Naive and Experience Viewers » Visual Art Research, Vol. 18, pp. 1-14.

 

-                Woods B. (2004) Non-pharmacological interventions in dementia. Adv Psychiatry Treat 2004; 10: pp. 178-179.

 

-                Zeisel J. (2013) Alzheimer, le malade est une personne – Ed. Le Bord de l’Eau, nov. 2013

 

 10.          Résumé

 

Le jardin thérapeutique souffre d’un certain manque de reconnaissance sur la scène politique, publique et professionnelle. Par ailleurs, une approche globale est indispensable pour créer un jardin thérapeutique et savoir quelle démarche adopter pour ce faire. Ainsi, bien qu’il ait été démontré qu’un jardin présente de nombreux bénéfices pour les résidents comme l’amélioration de leur bien-être, de leur propre estime et de leur ouverture sur le monde extérieur ainsi que l’atténuation de certains symptômes, celui-ci a besoin d’être composé de différents supports ajustés aux besoins des usagers. Ces supports, pour être acceptés par les professionnels, l’institution ou les aidants familiaux, doivent au préalable être validés par des études suivant une certaine méthodologie. Alors, ils pourront être plus à même de remplir leur mission thérapeutique.

 11.          Annexes

11.1       Le projet de vie initial de Mme D.

 

11.2 NPIES et MMSE de Mme D

 

11.3 Entretien avec Mme D.

 

Je lui ai certifié que l'entretien serait anonyme et que je l'enregistrais pour ne pas modifier ses dires. L'entretien s'est réalisé dans sa chambre afin de ne pas être dérangé bien qu'une aide-soignante soit intervenue à un moment donné dans sa chambre ce qui a semblé la perturber un peu. Cependant, pendant le reste de l'entretien, elle a paru plus à l'aise. Elle fait partie du PASA de l’Ehpad Sainte Marie.

 

Moi : Je souhaiterais savoir tout d'abord ce que vous avez aimé pendant les ateliers de jardinage ?

Mme D. : J'ai bien aimé votre simplicité pour mettre ça avec nous ce n’était pas évident que vous soyez avec des personnes âgées. Donc vous avez eu la patience ...

Moi : Et ce que vous entendez par simplicité, c'est-à-dire ?
Mme D. : Dans l'action oui ça a facilité les relations. Ce sont des relations vraiment très étroites, on parle de vous, vous savez c'est... Vous faites partie de nous.

Moi : Ah, bah merci, ça me touche ce que vous me dites là !

Mme D. : On vous a accepté.

Moi : Oui, et …
Mme D. : Vous nous avez apporté beaucoup dans, heu au niveau de la nature, vous nous avez attentionné à des choses où on passait un peu à côté...

Moi : Ah oui ?

Mme D. : Oui, et bien le calendrier lunaire pour les plantes, euh l'évolution des plantes... la multiplication des plantes, la prise des plantes, heu, l'exposition des plantes par rapport au soleil et puis euh vos petits bricolages...

Moi : Vous pensez à quoi comme petits bricolages ?
Mme D. : Et bah pour semer, des petites choses pour qu'on fasse pendre les plantes...
Moi : Oui les étagères c'est vrai ! Parce que vous m'aviez aidé à faire les palettes vous savez quand vous avez peint là ! C'était super, c'est aussi grâce à vous qu'on en a hein !

Mme D. : Oui, j'ai beaucoup apprécié faire ça. Et tout est parti d'un petit rien et on en a fait quelque chose.

Moi : D'accord, oui c'était sympa ! Et qu'est-ce que vous avez aimé ?
Mme D. : Oh bah voir les plantes se multiplier et puis les boutures étaient toutes réussies.
Moi : Mais vous connaissiez déjà avant ce système ?
Mme D. : Ah oui, ah oui, ah oui !

Moi : Vous faisiez déjà ça chez vous ?

Mme D. : Hm (Elle hoche de la tête)

Moi : D'accord. (Silence)

Mme D. : Oui et puis les arrangements dans le jardin.

Moi : Qu'est-ce que vous avez aimé faire comme arrangements ?
Mme D. : La disposition des plantes. On a modifié ça, on a mis de l'ordre.

Moi : D'accord.
Mme D. : Oui (elle pose sa voix), Oui (en reprenant), parce que c'était truffé de mauvaises herbes. C'était fouillis. Elles avaient besoin d'ordre et vous avez su donné la touche qu'il fallait.

Moi : Hm et c'est quoi cette touche ?
Mme D. : Oh bah c'est arrangé les plantes qui vont ensemble comme vous disiez avec les haricots et les tomates et puis les fleurs dont les couleurs vont bien ensemble.

Moi : D'accord et est-ce qu'il y avait des choses que vous préfériez dans le jardin ?
Mme D. : Bah ce que j'aime bien c'est la variété des plantes ! La façon d'occuper les pans de terrain en pente. Ça retient la terre.
Moi : Oui ! C'est-à-dire...

Mme D. : Au niveau de la plantation choisir des plantations particulières pour les pans.

Moi : Et vous vous rappelez des plantes ?
Mme D. : Hem se sont des plantes assez lourdes. Hem je pense au potiron.
Moi : Oui effectivement sur la petite colline de terre. D'accord et est-ce qu'il y a des choses que vous avez trouvé plus difficile ou plus ennuyante à faire ?

Mme D. : Oh non pas du tout ! Tout était présenté de façon que ça intéressait, qu'il y avait un intérêt de le faire.

Moi : D'accord. Du coup vous avez découvert de nouvelles choses ?
Mme D. : Oui, plein, les espèces que je ne connaissais pas, les cactées...
Moi : D'accord bah moi aussi j'ai découvert des choses grâce à vous, les violettes du cap déjà, je ne savais pas comment les bouturer.
Mme D. : Ah oui, par la feuille.

Moi : Oui, du coup vous, vous avez aimé les échanges ?

Mme D. : Oui, les échanges de végétaux.

Moi : Et est-ce que vous aimeriez continuer à en faire ?

Mme D. : Oui beaucoup !

Moi : Et est-ce qu'il y a des choses que vous auriez aimé plus faire ou approfondir ?
Mme D. : Les échanges...
Moi : Oui... et quelle forme d'échanges ?
Mme D. : Bah au niveau des bouturages et d'échanges des différentes petites plantes.
Moi : D'accord parce que vous auriez aimé en avoir pour vous ?
Mme D. : Oui parce qu'il en existe encore en fleurs en feuille à bouturer comme ça.
Moi : Et vous vous sentiriez capable de continuer toute seule à prendre des plantes toute seule ?
Mme D. : Ah oui j'ai pris des plantes dans des pots (elle me montre les plantes qu'elle a bouturer et qui se trouvent maintenant dans des pots près de sa porte de chambre)

Moi : Ah oui, et là qu'est-ce que vous avez pris ?
Mme D. : Bah justement je ne connais pas celles-là.

Moi : Vous saviez du coup que ça se bouture.
Mme D. : Non je ne savais pas mais j'ai essayé. Ça a l'air de prendre. Mais je ne sais pas ce que ça va donner alors faire des découvertes ensemble ! Ça serait intéressant.
Moi : Ah oui, et vous savez même les meilleurs jardiniers ils sont toujours dans le test, parfois les plantes prennent, parfois non mais ce n’est pas grave ils continuent d'avancer.

Mme D. : Oui et c'est ça ce que j'aimerais avoir, c'est quelqu'un qui aime bien faire le bouturage. C'est surtout le bouturage par feuille que j'aime bien.
Moi : Et est-ce que vous connaissez des personnes qui aiment bien ? Parmi vos amis, votre famille...
Mme D. : Non pas tellement...

Moi : D'accord, du coup c'était quelque chose que vous faisiez d'habitude toute seule ?
Mme D. : Oui voilà, et là j'ai trouvé quelqu'un (en me montrant)

Moi : Ah après vous savez il y a beaucoup de résidents qui aiment bien le jardinage et des professionnels soignants. Bon déjà il y a Ségolène. Elle est très partante pour reprendre ce qui a été fait. Oui donc quand vous jardiniez qu'est-ce que vous plantiez ?
Mme D. : Oh surtout des fleurs ! Des genres de fleurs comme des violettes du cap, j'en avais même une autre sorte que j'ai perdu en venant ici, des... bleus, celles que j'ai elles sont violettes...
Moi : Ah bah vous pourriez demander à en racheter...
Mme D. : Oui...
Moi : Et est-ce qu'il y a d'autres espèces que vous aimiez ? Que vous plantiez ? Parce que vous plantiez qu'en intérieur ?
Mme D. : Non c'était mon mari qui s'occupait de l'extérieur !

Moi : D'accord.
Mme D. : Et fallait pas que j'aille dans son domaine. Alors je me contentais d'aller qu'à l'intérieur. Enfin bon... (elle paraît résignée) je plantais surtout des plantes qui fleurissent parce qu'elles marquent le temps.
Moi : Ah d'accord. Et qu'est-ce que vous aimiez le plus dans les plantes ?

Mme D. : Ah bah ce sont celles qui fleurissent.

Moi : D'accord et est-ce que vous ressentez quelque chose lorsqu'elles fleurissent ?
Mme D. : Bah une certaine satisfaction. Je sens que je suis récompensée de mes efforts... La plante me sourit...
Moi : Oui c'est vrai... D'accord et du coup avec votre mari, est-ce que vous mangiez les produits du jardin ?
Mme D. : Oui.
Moi : Vous aviez quoi comme produits ?

Mme D. : On avait les pommes de terre.
Moi : Oui ça, ça pousse bien !

Mme D. : Et puis les haricots verts, les petits pois comme au PASA, les salsifis.
Moi : D'accord mais c'est quoi le salsifis ?

Mme D. : C'est une racine noire. Quand on la pelle la chaire est blanche.

Moi : D'accord... Et ça se mange comment ?

Mme D. : Oh avec de la viande, ça remplace la pomme de terre.
Moi : Je crois ne jamais en avoir mangé. On en trouve pas dans les magasins.
Mme D. : Bah parce que ça salit les mains. Ça tache.
Moi : Vous ça ne vous dérange pas ?

Mme D. : Non et puis je mets des gants mais en général je n'aime pas quand je travaille la terre j'aime bien sentir le contact de la terre.
Moi : D'accord qu'est-ce que vous aimez ?
Mme D. : C'est sentir la plante.

Moi : D'accord... Et est-ce que vous ressentez quelque chose de particulier ?

Mme D. : Bah que je suis proche de la nature c'est important pour moi. C'est important.
Moi : Et vous allez de temps en temps dans le jardin ?
Mme D. : Oui je regarde l'évolution des plantes de jour en jour.
Moi : D'accord est-ce qu'il vous ait arrivé de manger les produits du jardin ?

Mme D. : Bah ici non je ne me permets de cueillir.

Moi : Ah d'accord mais vous pourriez !

Mme D. : Oui... (elle reste pensive)

Moi : Et est-ce que vous avez des relations avec les autres lorsque vous jardinez ?

Mme D. : Oh oui ça crée des liens !

Moi : Oui, et est-ce que vous aimez jardiner seule aussi ?
Mme D. : Oui bien sûr j'aime jardiner seule, faire mes découvertes et après les montrer.
Moi : D'accord... (silence) Est-ce qu'il y a d'autres choses que vous aimeriez ajouter sur les activités sur les moments que l'on a passés ensemble ? Peut-être des moments plus agréable ou d'autres moins...
Mme D. : C'était intéressant, le tout était intéressant et c'était bien ce que vous avez fait.
Moi : D'accord, bon et bien merci de m'avoir accordé un peu de temps.
Mme D. : Bah c'était avec plaisir. Ça m'a beaucoup plu.

Fin.

 

11.4 Entretien avec Mme W, résidente de l’Ehpad Sainte Marie

L’entretien s’est fait dans sa chambre. Elle fait partie du PASA de l’Ehpad Sainte Marie. Je lui ai certifié que l'entretien serait anonyme et que je l'enregistrais pour ne pas modifier ses dires. L'entretien s'est réalisé dans sa chambre afin de ne pas être dérangé

 

Moi : J'aimerais avoir votre ressenti sur le jardin...

Mme W : Ah bah j'ai trouvé ça très très bien, vous savez moi j'aime bien venir

Moi : Et qu'est-ce que vous avez trouvé très très bien ?
Mme W : Bah toutes ces plantes-là comment il faut faire pour les planter... Moi je ne suis pas main verte hein !

Moi : Pourtant vous avez très bien jardiner

Mme W : Oui, oui je savais quand même quelque chose, je ne suis pas bête !

Moi : Et vous jardiniez avant ?
Mme W : Non pas du tout ce sont mes parents qui oh là là ils y passaient du temps ma mère c’est les fleurs et mon père c’est les légumes. Mon père il avait des prés.
Moi : Et vous ne l'aidiez pas ?
Mme W : Non, non, bah j'étais jeune dans ce temps, je vous parle de pas mal d'années et bah ma mère elle faisait ses semences de tout. Ils faisaient des semences d'haricots verts, on mettait des bars comme ça pour les faire grimper

Moi : Ah bah c'est comme ceux que l'on a fait grimper au PASA !

Mme W : Non, les haricots plats c'est pas le même goût.

Moi : D'accord... Et lors des activités est-ce qu'il y en a une que vous avez préféré ?
Mme W : J'aime bien tout faire de la peinture des jardins, découvrir des nouvelles plantes, par curiosité travailler la terre la mettre dans les jardinières, tout ça ça m'a plu, ça m'a plu tout de suite.
Moi : Et est-ce qu’il n’y a pas quelque chose qui vous a moins plu ?

Mme W : Rien pas de reproche.
Moi : Est-ce qu'il y a des choses que vous n'avez pas compris ou...
Mme W : Je vous ai demandé pour les fleurs si vous connaissiez le nom des plantes qu'on met dans la vinaigrette, et les floks est-ce que vous connaissez ?
Moi : Heu, non... celles-là je ne connaissais pas. Mais oui on avait parlé de moutarde...
Mme W : Bah oui vous m'aviez montré sur le heu...

Moi : Sur internet, oui... Oui après je ne connais pas tout...
Mme W : Oh bah si vous savez quand même des choses !

Moi : Oui, enfin les rudiments...

Mme W : Et la petite dame là Mme D elle, elle s'y connait aussi et Mme H !

Moi : Oui Mme H elle était bien active après vous aussi vous étiez très engagée !

Mme W : Oui après on est quand même mieux en petit groupe. Là au moins on n’est pas dérangé par les autres qui viennent nous enquiquiner et puis on peut pas communiquer avec. Là quand on est trois à table on est bien mieux.

Moi : Oui je comprends vous préférez les endroits avec des comités un peu plus restreint.

Mme W : Oui

Moi : Et comment vous vous sentez ?

Mme W : Bah j'aimerais mieux être ailleurs en plus on manque de personnel alors moi j'aimerais bien être au lit à 20heure mais le temps qu'ils arrivent... Enfin moi je ne peux rien faire là vu comme je suis. Ou il faut que je demande à mes enfants de m'aider... Et puis en plus je suis tombé la dernière fois alors vous voyez.

Moi : Ah oui ?

Mme W : Oui, je me suis cassé la jambe.
Moi : Aie, et du coup vous ne sortez plus trop avec vos enfants ?

Mme W : Non...

Moi : Vous restez plutôt dans votre chambre ?
Mme W : Oui je reste et puis parfois ils me sortent dans la rue là je suis au B2 donc ce n’est pas loin mais ma fille elle habite à …

Moi : D'accord. Et qu'est-ce que vous aimez faire avec votre fille ?
Mme W : Oh faire un peu de tout mais je m'en tiens à la recette !

Moi : Et votre fille elle cuisine bien ?

Mme W : Oui et mon fils il fait la confiture et il fait le repassage à la maison, il fait heu comment je veux dire la lessive... il fait tout !

Moi : D'accord et vous vous faisiez aussi tout ?
Mme W : Bah oui parce que mon marie il était dans la fonderie alors il était toujours sur les quatre routes du coup je faisais la cuisine pour tout le monde !

Moi : Et vous aimiez bien ça ?

Mme W : Oui... ça dépend... on a mangé bio l'autre jour, qu'est-ce qu'il y avait de bio là-dedans je vous le demande ! Ce n’était pas bon ! Avant quand je mangeais les légumes du jardin c'était mieux. Il n'y avait pas de saletés dessus.
Moi : Oui, et les plantes que l'on a mis dans le jardin il n'y en a pas ! Et est-ce que vous aimeriez avoir vos propres plantes dans votre chambre ?
Mme W : Ah bah j'ai déjà deux fleurs que mes enfants m'ont amené pour mon anniversaire et pour la fête des mères. Mais il paraît que laisser les plantes dans les pièces c'est pas bon. Il ne faut pas dormir avec les plantes... Ca nuit à quelque chose... Il vaut mieux les mettre dans le couloir la nuit !
Moi : Ah ? Vous avez lu ça où ?

Mme W : Oh, je ne sais plus, je ne l'ai pas inventé hein !

Moi : Ah je trouve ça étonnant !

Mme W : Oui parce qu'elles libèrent quelque chose...
Moi : Ah peut-être certaines plantes alors ! Oui peut-être parce qu'il y a des plantes comme les orchidées qui au contraire ont une action de dé-toxifier l'air vous savez ! D'ailleurs vous allez en avoir pour la fête des mères !

Mme W : Oui c'est beau ! Ma fille elle est potagère, elle a des orchidées qui durent longtemps hein !

Moi : Ah oui !
Mme W : Tandis que l'autre elle n'a pas de place alors elle ne peut pas mettre de plantes.
Moi : D'accord et vous aimeriez bien vous en occuper des orchidées ?
Mme W : Ah bah c'est trop dure de s'en occuper, j'aime mieux que ce soit ma fille.
Moi : D'accord ça vous ennuie ?
Mme W : Oui en vieillissant c'est plus pareil.
Moi : C'est-à-dire ?
Mme W : Bah la vie c'est plus la même les enfants ils m'ont poussée vas-y va faire des activités, ça va te changer ! C'est vrai !

Moi : D'accord et vous qu'est-ce que vous en pensez ?

Mme W : Bah rester assis c'est pas rigolo pour faire tout assis, en plus j'ai mal.
Moi : Mais du coup vous n'aimez pas vous en occuper mais est-ce que ça vous quand même plaisir d'avoir ses plantes là ?

Mme W : Ah oui, je préfère les avoir en pot parce que les bouquets bah une fois fanés, on le jette. Je préfère les plantes qui durent longtemps, elles fleurissent et puis ça dure.
Moi : C'est vrai... D'accord et est-ce qu'il y a d'autres choses que vous aimeriez ajouter ?
Mme W : Oh bah j'ai bien aimé faire les moutons et les lapins de Pacques alors je suis fière de regarder ce que j'ai fait... Vous l'avez pendu et puis l'autre pour le carnaval et puis hier mercredi

Moi : Heu hier c'était jeudi.

Mme W : On a fait quoi ?
Moi : Mercredi c'était l'activité avec les enfants.

Mme W : Ah d'accord, oui lorsqu'on a fait l'activité avec les plantes qu'il fallait deviner en les goutant !

Moi : D'accord (silence) Bon eh bien merci en tout cas pour le temps que vous avez bien voulu me consacrer.

Fin.

 

11.5 Entretien avec Violaine, psychologue à l'Ehpad Sainte Marie

 

Moi : Selon toi, qu'est-ce qu'un bon jardin thérapeutique ?

Violaine : Un bon jardin thérapeutique, c'est un jardin qui est investi par les résidents et qui apporte du bien-être.
Moi : D'accord, et cet investissement, comment se traduit-il ?

Violaine : Heu, c'est qu'ils se l'approprient, ils se sentent dans leur jardin. Je m'en occupe.

Moi : Et le bien-être, il se traduit comment ?

Violaine : Alors je sais que chacun a sa façon : il y a ceux qui aiment observer les fleurs, ceux qui aiment heu... (Elle réfléchit), il y a ceux qui aiment faire le jardinage, ceux qui aiment venir discuter ; il faut que ce soit agréable, que ça les évade un peu de la maison de retraite, (silence) parce que c'est le seul lieu en dehors de la maison de retraite où ils peuvent aller facilement.

Moi : D'accord et heu, comment selon toi faudrait-il adapter ce lieu aux pathologies ? Est-ce qu'il y aurait une façon particulière ?
Violaine : Alors techniquement un jardin doit être adapté aux cinq sens. C'est-à-dire qu'il doit y avoir des plantes que tu puisses manger, toucher ; alors par exemple tu pourrais avoir des bacs avec des textures différentes, y en a de différents types. Je me rappelle un projet dans l'autre Ehpad où je travaille où l'on avait fait des bacs avec des pierres, y en avait d'autres avec de la terre.
Moi : D'accord.

Violaine : Ce sont les différentes sensations, et puis c'est aussi les sons. Parce que dans notre jardin thérapeutique, on a aussi des instruments avec des percussions. Oui, on a des marimbas (elle tape sur la table), des tam-tams, et aussi des trucs avec des carillons dans le vent ; on a de la stimulation visuelle, on a aussi les petites fleurs en plastique qui tournent ou alors l'hélice qui tourne dans la boule perpétuelle,

Moi : Ah d'accord ok (en faisant mine d'avoir compris).

Violaine : On a mis des CD aussi, la vue…

Moi : Oui, c'est pour les oiseaux...

Violaine : Oui ça évite qu’ ils bouffent les graines.
Moi : Ok, et tu sens les personnes sensibles à ça ?
Violaine : Chacun a son sens, y en a qui sont auditifs, d'autres visuels, tu n'auras jamais le même effet selon le résident...

Moi : Qui sera sensible à la même chose...

Violaine : En fait, un bon jardin, c'est un lieu qui met en contact les gens parce que c'est ce qui manque le plus à l'intérieur, D'ailleurs ce sont des contacts positifs parce qu’on est regroupé qu’ au moment du repas qui est rarement un moment positif, parce qu'ils ne mangent pas ce qu'ils veulent ou les personnes en face d'eux ont des troubles cognitifs ou on choisit pas forcément.
Moi : Hm (j'acquiesce)

Violaine : Alors qu’au jardin, il va y avoir un animateur qui va faire passer des choses positives et créer des souvenirs communs positifs entre les résidents.
Moi : Et est-ce que pour toi les jardins sont adaptés à toutes les personnes ?
Violaine : Je sais qu'il y en a qui sont allergiques au pollen (amusée) ; alors on a fait un petit jardin Zen avec un truc où ils pouvaient ratisser avec du sable, c'est bête hein mais...Il y a aussi ceux qui sont trop sensibles à la lumière ; du coup, ils préfèrent les jardins d'intérieur .

Moi : Et tu as été confrontée à beaucoup de personnes handicapées au jardin ?
Violaine : Après les personnes qui rentrent avec des problèmes de vue, c'est un cinquième du total, parce que quand tu as des problèmes de vue, tu ne peux pas rester chez toi.

Moi : Et pour les personnes qui ont Alzheimer ?
Violaine : Ah ça, oui, il y a cette difficulté à franchir le seuil du jardin, c'est-à-dire qu’ils s’arrêtent à la limite. Par exemple, s'il y a une différence de couleur, il va faire un énorme pas ce qui risque de provoquer une chute, (en accélérant le rythme) parce que ce n'est plus le même sol, parce qu'il n'analyse plus de la même façon. (Silence)

D'où l'idée aussi de l'attirer plus loin où… Ouais...

Moi : Et ça comment tu fais pour l'attirer plus loin ?
Violaine : Ce sont des gens qui travaillent beaucoup à la confiance ; il leur faut des repères et ils avancent par mimétisme. S’ils te voient franchir et qu'ils ont confiance en toi, c'est bon. Il faut que tu sois connu, repérable (en insistant sur les deux précédents mots) et qu’ils aient confiance en toi. Ici, ça travaille beaucoup à l'affectif et au fait de ne pas les brusquer. Il faut accepter que les deux premiers jours, ils ne veuillent pas sortir mais que le sixième jour ils sortent. (Silence)

Moi : Ok, alors face à une personne qui ne participerait pas aux activités de jardinage, tu ne la stimulerais pas  ?
Violaine : Alors, il faut savoir qu'il y a deux types de personnes. Il y a celles qui restent actives et celles qui restent passives. Après sur un continuum, il peut certes y en avoir qui sont actives un jour et d'autres non ; mais il y a des gens même s’ils ne participent pas, ils sont contents d'être là et ça leur suffit. Ils regardent. Ils sont contents qu'on passe du temps avec eux. On peut aller les chercher par exemple, en leur demandant « qu’est-ce que vous en pensez ? ». Ce sont des gens dont il faut évaluer et stimuler les capacités. Voir s'ils participent ou s'ils sont toujours en retrait ou si juste sur cette activité-là, ils sont en retrait ; c'est peut-être parce qu'ils ne savent pas faire, alors ça leur fait peur. Alors on ne veut pas se ridiculiser dans le groupe, donc prendre du temps et décomposer les actions. Ou alors ce sont des gens qui n'aiment pas se salir les mains. Mais ils vont chanter une chanson sur le thème « colchiques dans les prés », enfin voilà. Faire participer à tout prix, non. Parfois, ça peut être contre-productif. Ça peut être quelqu’un qui ne viendra plus. A partir du moment où tu proposes au résident de venir en activité, il n'est pas contre ; ça veut dire que déjà, il s'est passé quelque chose de positif.

Moi : D’accord.

Violaine : Même si t'as l'impression qu'il ne fait rien, (j'acquiesce) il peut tout à fait y trouver son compte. (Silence) C'est le cas de Mme W : elle est assez en retrait dans le groupe, heu Mme G elle, elle est plus dans le mimétisme, Mr B., il est content d'être là. Bon, les familles me disent : il n'a rien à me raconter, mais en même temps … Il ne se passe rien d'extraordinaire. C'est la routine. Bon bah voilà j'ai été mangé, j'ai été aux toilettes et puis voilà c'est bouclé. (Partie incompréhensible)

Moi : Ok. Et en ce qui concerne le matériel, est-ce qu'il te paraît adapté ?
Violaine : Hem, pas trop mais tu n'as pas eu des gens qui étaient hémiplégiques ; ça pourrait être d'acheter des tout petits arrosoirs pour enfants pour ceux qui n'ont pas beaucoup de muscles ; ça pourrait être autre chose, mais des gros pots, ça peut leur faire peur,  ou avec des petits râteaux façon bonzaï, ça peut marcher. On utilise beaucoup les mains ; après si c'est quelqu'un qui veut jardiner mais qui n'a pas une bonne prise, il est toujours possible de mettre de la mousse autour pour rendre le diamètre de l'outil plus important. Ça faut voir avec l'ergo mais pour les groupes que tu as pris au PASA...
Moi : ça allait, oui.

Violaine : Si tu voulais qu'une Mme J soit là, tu sais elle est assez recroquevillée, là il faudrait prendre un pot, le mettre en face d'elle, le positionner. Si tu ne peux pas le faire à l'extérieur, pars du principe qu’à l'intérieur les résidents, ils voudront bien aussi...
Moi : Ouais, (j'acquiesce, puis silence)

Violaine : Bien sûr, il faut toujours tout adapter aux personnes. De toute façon, c'est toujours du bricolage. Parce que à quoi ça sert d'investir dans un outil adapté qui va coûter 100 euros si pour qu'au final, il n'y a qu'une seule personne qui a besoin de l'appareil. Il vaut mieux acheter trois binettes et puis faire un coude ou... Ce qui sera important, c'est la hauteur des bacs pour que l'on puisse arroser, et puis aussi que les fauteuils puissent passer en dessous. Ce qui est intéressant aussi, c'est que tu puisses avoir des plantes adaptées au fauteuil, et d'autres un peu plus hautes qui obligent les gens à se lever où à tendre les bras. Ça, c'est intéressant aussi parce que tu fais travailler le résident sans qu'il ne s'en rende compte. C'est comme lorsque Juliette (l'ergothérapeute) a fait afficher les fleurs en bas, elle a l'a fait exprès pour que Madame G fasse travailler les muscles de la main et qu'elle tende le bras ; voilà ça c'est intéressant, parce que le résident n'a pas conscience de ce qui est faisable ou non ; c'est ce qu'ils font en kiné mais qu'ils ne font pas en kiné parce qu'il n'y a aucun but derrière alors que là ils peuvent faire ça, et c'est intéressant (silence). C'est d'ailleurs pour ça que les jardins sont fait par des ergo.

Moi : D'accord ; toi, qu'est-ce que tu préconiserais comme travail ?
Violaine : Alors toi vu que tu as souvent les mêmes groupes, tu peux leur présenter systématiquement les mêmes fleurs, les mêmes outils pour voir si on peut faire exercer leur mémoire, voir s'ils s'en souviennent. On peut aussi les faire se remémorer leurs souvenirs, leur demander les noms de métiers autour du jardin, on peut discuter des couleurs, faire des associations, c'est riche quoi. On pourrait leur faire apprendre la chanson du jardin avec les cinq plantes. Du moment que ça vient d'eux, c'est bien. Et puis les familles aiment bien parce qu'elles voient que leurs parents s'activent. Et les stimuler cognitivement, rien que ça et que ce soit eux qui te guident vers le jardin. Ça, ça travaille l'orientation. Ou bien quand t'es dans le jardin, où sont les petits pois ? Quand est-ce qu'on sème ? Tu remets du temps. Tu mets la localisation et puis voilà. (Silence) Après dans le jardin ce à quoi il faut penser, on parlait d’adaptation, ce sont des coins de pause. C'est-à-dire un endroit avec un parasol, où on puisse venir s' abriter, se reposer... là avec une chaise peut-être, pour la famille aussi.

Moi : Le matérialiser par un espace.

Violaine : C'est comme les enfants !
Moi : Et je pensais aussi à un endroit pour les livres.

Violaine : Après dans la limite de ce que l'on est capable de ranger et de sortir tous les jours. (Silence) Ce qu'il faut aussi éviter, c'est la sur-stimulation. Notamment pour les malades d'Alzheimer. Parce que trop de stimulation nuit. Parce qu'ils ne savent plus sur quoi se focaliser. Ça crée de l'angoisse et de la colère et puis c'est contre-productif. (Silence)

Moi : Ok. Est-ce que tu as remarqué des différences au niveau des résidents entre le PASA et l'Ehpad ?
Violaine : Alors depuis le début ?
Moi : Oui, à l'ouverture du PASA au mois de Janvier.
Violaine : Alors ce qui se passe c'est que les résidents, ils se sentent en confiance et ils ne sont pas mis en difficulté. Alors je pense que ce sont des résidents qui ont plus de confiance en eux et qui n'hésitent pas à nous demander, à venir nous chercher parce qu'il y a un autre lien qui s'est créé.

Moi : Et de quelle manière ils viennent te chercher ?
Violaine : Bah ils t'abordent beaucoup plus spontanément. Une fois par jour on crée quelque chose de très cocon, de très heu…Quelqu'un que je croise dans le couloir va me parler beaucoup plus longtemps que quelqu'un que je croise dans la chambre parce qu'on aura des souvenirs d'activités communs. Ça c'est important. Alors pourquoi ? Bah on se voit davantage au PASA. On crée plus de moments ensemble . Enfin on a des souvenirs d'activités. Vous vous souvenez quand on a fait des crêpes et qu'on a fait sauter les plombs ? C'est des souvenirs qui restent. Et ils ont aussi une habitude de travail de groupe.

Moi : D'accord...

Violaine : C'est-à-dire, et bien, ils osent plus se parler les uns les autres. En Ehpad, les gens quand ils font des activités et bien ils sont côte à côte. Tout simplement parce que lorsque les gens sont nombreux, tu ne peux pas créer le même climat, tu peux pas... Ce sont des gens qui vont se parler à midi, s’ils ont osé briser la glace, si voilà… Il y a des gens où on se rend compte, ils sont sur un même étage à une chambre d'intervalle, mais ils ne se connaissent pas. Donc du coup, souvent les nouveaux résidents arrivent, le premier truc que je fais, c'est de faire un tour de l'étage en présentant les gens avec qui ils vont pouvoir discuter. Mais il faut qu'ils osent ressortir derrière si on ne les remmène pas.

Moi : Oui...

Violaine : ça, ce n’est pas toujours facile d''autant plus si la famille vient, elle n'est pas toujours facilitatrice (elle cherche ses mots) ... dans ses contacts...
Moi : Ah oui ? Et de quelle manière elle n'est pas...
Violaine : Eh bien, si t'as une famille qui vient et s'enferme dans la chambre du résident ou si t'as une famille qui voit un autre résident qui lui dit bonjour, heu qui l'inclut dans la conversation, voilà quoi...

Moi : Ouais...
Violaine : Après c'est sûr qu'il faut cumuler les deux moments ; c'est sûr que si t'as la famille qui vient et qui est toujours là, ça va être compliqué... et un peu embêtant pour nous aussi (rires)... mais c'est important que la famille ouvre vers l'extérieur. Par contre, les gens de l'Ehpad auront moins de troubles cognitifs ou moins de troubles du comportement ; donc tu pourras avoir plus en activité et ils seront plus autonomes à la différence du PASA où ils sont recrutés à cause de leurs troubles du comportement et des troubles cognitifs ; donc tu n'auras pas tout à fait la même population.
Moi : D'accord...

Violaine : Mais heu du coup, ils ont plus de réserve. Ils osent (en appuyant sur le dernier mot) moins.

Moi : Et comment tu as senti cette progression depuis janvier à l'ouverture ?
Violaine : Ah oui, ah bah là les gens maintenant, un exemple tout simple : quand on prend les gens pour aller au PASA, il suffit qu'un résident voit quelqu'un de son groupe, enfin la reconnaisse et elle l'emmène avec elle ! C'est pour ça que maintenant on arrive à faire deux trajets et à rassembler tout le monde. On peut laisser par exemple une Mme D aller à l’ascenseur toute seule. Mme W, je peux la laisser toute seule dans le couloir, elle aura nettement moins peur parce qu'elle sait que j'arrive avec les autres.
Moi : D'accord et avant ce n'était pas possible ? Pour aucun des résidents ?

Violaine : Hm (en faisant non de la tête) Par contre ce que j'observe par rapport au jardin, c'est que les résidents vont demander des nouvelles des plantes, spontanément. Ils vont se rappeler de ta présence. Quand je dis : Damien vous attend en bas, ils disent le jardinier ! Donc ils ont déjà associé, donc c'est la preuve de ce qui se passe. Il y a un rituel, maintenant quand on arrive, on arrose les plantes. D'où l'idée de prendre des plantes qui s'arrosent (rires). Voilà...

Moi : Est-ce que tu as noté des changement relationnels ou psychologiques par rapport aux activités de jardinage ?
Violaine : Bah des gens en ont parlé spontanément à leur famille et ont ramené quelque chose de leur chambre pour que tu le plantes en bas. Donc c'est quand même un super investissement de leur part. (silence) Après, c'est aussi sur le cycle des saisons... Là ça pousse, donc heu... Ils savent que l'on est au printemps.

Moi : On pourrait les faire travailler sur les repères temporels.
Violaine : Oui !

Moi : On est en quelle saison...
Violaine : Oui ou alors faire une frise avec des fleurs que l'on pourrait mettre en fonction des saisons, un truc plastifié que l'on ressortirait chaque année. En fait, il faut remettre de la durée parce que ce sont des gens qui ne vivent plus que dans l'instant.

Moi : D'accord... (silence) Et une dernière question... On en a déjà parlé hier mais comment essayer de faire s'investir les professionnels ?
Violaine : Alors, il faut déjà prouver que c'est facile à faire, en quelque sorte prémâcher le travail, que le professionnel, il arrive et que c'est clef en main. Voilà, là j'arrose avec le résident, il va être content, il est plus calme ; voilà il faut qu'il se dise c'est facile, ça ne prend pas beaucoup de temps. Il faut des responsables précis, parce que si tu n'en as pas, ça va être : je pense que ma collègue a arrosé, je pense que l'autre a arrosé. Il va aussi falloir penser à l’entretien. En fait, ça marche bien sur le court terme, mais comment fait-on pour que ça rentre dans les mœurs ? Après ce qui peut être très bien, parce que je pense que la plupart des soignants sont favorables au jardin et seraient d'accord pour monter les résidents au jardin. Le souci, c'est que le soignant est obligé de retourner à son étage. Donc tu peux penser à un système où tu aurais quelques bénévoles qui resteraient dans le jardin avec les résidents et quand le résident veut s'en aller, le bénévole appelle le soignant. Tu vois ? Ou alors, s'il y a assez de bénévoles, un bénévole le redescend et le signale aux soignants. Ça aussi c'est un souci, parce que les personnes déambulant s'ils y vont seuls, eh bien comment on les retrouve ? Il faut qu'ils y aillent  en étant accompagnés. Les gens qui sont en autonomie, on peut les laisser y aller seuls. Ce n'est pas un souci. D'où l'idée des bénévoles, que le dernier bénévole quand il quitte le jardin, ferme la porte à clef.

Moi : Mais ils ont les clefs ?
Violaine : Tout peut être envisagé. S'il y a une vraie équipe de bénévoles, oui. On signe qu'on a la clef et on signe qu'on la rendue, voilà.

Moi : D'accord.
Violaine : Et ce qu'il faut pour que le jardin soit pérenne, c’est aussi de la communication ! C'est-à-dire quand, comment, pourquoi et ne pas oublier de dire aux équipes, bon et bien voilà il y a le jardin, n'oubliez pas de réceptionner les résidents. Le soignant sera favorable si le résident aime. Parce qu'il a tout à y gagner pour le soir, le coucher, le faire manger ; mais il faut respecter le rythme du travail. Parce que ce n'est pas au moment des changes que tu demandes d'emmener tous les résidents. Tu vois, il faut que ce soit cohérent.
Moi : C'est-à-dire, il faut que ce soit vers quelle heure ?
Violaine : Ici, le café il est vers 14h30. Bah ce n’est pas à cette heure-là que tu fais des transferts. Soit c'est avant et les résidents prennent le café au jardin mais il faut que ce soit clair. Soit c'est à 15h si t'as la possibilité d'offrir un café en haut. En plus, ça va être bientôt l'été, donc il faut penser à apporter de l'eau, voilà des choses comme ça. Mais les bénévoles, il faut aussi les sensibiliser au fait que tout le monde ne boit pas d'eau et qu'il y en a qui font des fausses routes. C'est pour ça, un bon bénévole, ça se forme...
Moi : Et on prend quoi du coup ?
Violaine : Bah tu prends de l'eau gélifiée ou tu pars avec la paille ou avec le canard. La plupart du temps, le résident le fait naturellement. Mais parfois, il ne va pas te le dire. Donc heu mettre un badge heu vert enfin... Tu vois, une signalétique pour les résidents, vert, il peut tout manger, orange il faut lui donner canard et eau à bulles, et rouge, tu lui donnes. Enfin un petit truc tout discret, parce qu'il faut penser que pour l'instant toi tu es là pour mener l'activité, s’il n’y a  personne qui ait du temps pour dédier la vie au jardin malheureusement... Faut se dire que c'est quelque chose … bon ici on a beaucoup de chance d'avoir une animatrice, donc l'animatrice va faire vivre ton projet... Mais si tu trouves des bénévoles ou des familles même, quitte à envoyer un courrier en disant que tu recherches des bénévoles pour être dans le jardin de telle heure à telle heure, pour discuter avec les résidents, ou demander aux Blouses Roses parce que ce sont des gens déjà formés et qui interviennent déjà ici. Heu l'été, un truc tout bête que tu peux prévoir, c'est mettre des bassines pour que les résidents puissent avoir les pieds dans l'eau. Ça ne demande rien. Que du temps. Des bassines et de l'eau.
Moi : Oui, pourquoi pas ? Et pour en revenir aux soignants, selon toi, quelle serait la meilleure manière de leur demander de sortir les résidents dans le jardin ?

Violaine : Ce que tu peux faire, c'est un étage par jour par exemple que tu privilégies. Ç'est simple. C'est-à-dire qu’à sa prise de poste tu vas voir le soignant ; tu lui dis : aujourd'hui c'est la journée du 3 A. Par contre il faut que l'équipe t'ait identifié, en règle de base de communication et moi par exemple je ne suis là qu'à temps partiel, donc non seulement il faut que l'équipe t'ait identifié, mais aussi que tu fasses des rappels très très réguliers. Par exemple, tout le monde sait que les projets de vie c'est le mercredi. Après, moi je pars du principe qu'il faut savoir être souple. Aujourd’hui si tu as une entrée, je préfère dire aux filles bonnes euh choisissez le moment auquel on pourra faire le projet de vie parce que je préfère dix fois ça plutôt que les obliger ; et en plus elles ça leur donne l'impression de maîtriser leur temps. C'est important que le soignant sente qu'il contrôle.
Moi : Oui alors leur laisser l'initiative, dire qu'il y a la possibilité de… (Le téléphone sonne)

Violaine : De les emmener dans le jardin... Parce que combien de soignants ont déjà été dans le jardin ? Excuse-moi.... Tu vois là par exemple, on a changé les habitudes des résidents, ils n'ont pas PASA, du coup ils s'attendent à ce que je passe. Pour quoi faire ? Je ne sais pas (rires). Ils s'ennuient.

Ça peut être le résident aussi qui devient moteur de l'activité. Et qui force le soignant entre guillemets à … Parce que s’il a aimé l'activité, alors il va insister auprès du soignant pour sortir. Et le soignant parfois pour avoir la paix, il va l'emmener et puis voilà (rires) ; mais c'est super important qu'il y ait toujours un professionnel dehors ou un bénévole et qu'il y en ait toujours (en appuyant sur le mot) ; ça ne paraît rien mais c'est super important. Parce que le souci, c'est que voilà il est loin.
Moi : Oui, s'il arrive quelque chose... Et les Blouses Roses, quand sont-elles là ?
Violaine : Les mardis.
Moi : Uniquement les mardis ?

Violaine : Oui, en fait ce sont elles qui proposent des activités le mardi. Et moi ce que je te propose, c'est que tu en parles plutôt en réunion. Et que peut-être avec d'autres bénévoles qu'elles connaissent ou avec d'autres maisons de retraite, elles puissent monter un projet.

Les Blouses Roses viennent le mardi matin pour faire faire de la gym, mais tu peux avoir une bénévole qui vient le jeudi.

Moi : Et le faire dans le jardin ?
Violaine : Hem non, les filles elles ont besoin de matos, donc le temps qu'elles traversent tout le jardin... Non mais quelque chose en plus. Tu vois si elles peuvent venir un jour en plus, tu seras tranquille ; c'est comme ça que se monte une équipe de bénévoles. Il y en a une qui vient le mardi, une autre le jeudi... ça peut être aussi des familles de résidents, parce qu'il y a aussi des familles qui ne savent pas quoi faire... Et ça fait peur... Donc en leur donnant un rôle, c'est des gens qui reprennent le plaisir d'être avec leurs proches et heu...

Moi : En leur proposant de faire des activités, d'aller arroser...
Violaine : Tout à fait ; mais il faut leur donner un cadre précis, parce que c'est sujet à débordement.
Moi : Hm, quoi comme cadre par exemple ?

Violaine : Et bah c'est est heu... Est-ce que vous pourriez vous occuper de... ? et puis de... ? mais que l'équipe soit informée des prérogatives de la dame. Sinon, ça peut rapidement se transformer en : vous m'emmenez les résidents là, là, là, dans le jardin ». Il faut que ce soit clair. Avec les familles, il faut toujours que ce soit très clair. Qu'est-ce qu'elles ont le droit de faire, qu'est-ce qu'il ne faut pas ? Parce que la nature a horreur du vide et la propension humaine, enfin il y a des enjeux de pouvoir qui peuvent apparaître. Souvent les familles, ce sont souvent des gens âgés, donc à ce moment-là en mettre deux ou trois  ensemble. Et puis voir avec chaque bénévole ce qui est le plus facile pour lui.

Il y a des gens à qui on n’aura rien besoin de dire et d'autres à qui on aura besoin de tout expliquer. C'est compliqué. Je sais qu'il y a une fille de résident qui aime bien le théâtre. Elle peut lire une histoire dans le jardin heu... Voilà deux fois cet été et programmer les dates avec elle.

Moi : Hm, c'est qui cette dame ?

Violaine : La fille de Mr K... Enfin elle aime bien le théâtre. Enfin, avant toute initiative, il faut vraiment en parler en groupe, parce que toi quand tu pars il faut que l'on sache ce que tu as mis en place (rires) et comment encadrer les bénévoles.

Moi : Mettre en place un carnet de suivi ?
Violaine : Faire un projet déjà, avec chaque dame, dire comment faire, comment s’y prendre ? Qu'est-ce qu’elles sont prêtes à faire ? Tu vois comme une convention de bénévolat ! Parce qu'il me semble qu'il faille que l'on en fasse.
Moi : Oui, ça permettrait d'engager des personnes... Bon...

Violaine : Donc voilà mettre en place le suivi du jardin, le mettre dans les salles à manger par exemple...
Moi : Oui, bon, écoute je te remercie beaucoup pour cet entretien ; si je peux te poser d'autres questions ou faire un autre entretien par la suite …
Violaine : Oui, bien sûr , pas de soucis.
Fin.

 

11.6 Entretien avec Juliette, ergothérapeute à l'Ehpad Sainte Marie

Juliette est ergothérapeute à l'Ehpad Sainte marie

 

Moi : C'est quoi pour toi un bon jardin thérapeutique ?

Juliette : A bah c'est une grosse question, mais je pense qu'on peut décortiquer la chose, c'est quelque chose qui doit fonctionner, enfin qui doit avoir une bonne continuité dans le temps déjà. Après la notion de jardin il faut que ça réponde aux besoins du jardinier...

Moi : C'est-à-dire ?

Juliette : Bah si t'as un Monsieur qui faisait beaucoup de légumes et bah si tu lui mets des fleurs ça ne va pas lui parler alors que pour une dame ça va surement plus lui parler. Après thérapeutique il faut chercher un but mais ça dépend de ce que tu veux, si tu veux amener les gens à déambuler, se promener, ou si tu veux amener la personne à mettre en action. C'est jardiner qui est thérapeutique. Soit c'est le fait de se promener avec ses amis. Donc ça peut être vaste. Quelque chose qui donne envie, une petite carotte ! (Rires-moi : Comment tu fais pour donner envie ?
Juliette : Oh des entretiens, ouais, Mme K. tu l'emmènes dans le lieu, et tu lui demandes ce qu'elle aimerait bien.
Moi : Et le jardin est-ce qu'il continue de vivre l'hiver ?
Juliette : Hem bah déjà rien que le fait d'aller se promener, parce que c'est vrai qu'il y a des gens qui restent tout le temps dans le chaud donc c'est que lors du marché de Noël que ça les réveille ! Ils ont froid et compagnie. Après c'est vrai qu'au niveau fonctionnel c'est compliqué parce qu'il y en a peu qui ont des chaussures fermées... Adéquats, des pantoufles ou des chaussures d'été du coup tu vois ton activité est moins spontané. Il faut anticiper demander à ce que la famille amène des chaussures, ce n’est pas oh on va dehors quand il y a un rayon de soleil. C'est vrai que tu ne peux pas... quand il pleut. C'est vrai qu'il vaut mieux être dans l'observation, c'est comme l'ergo de Sainte Dominique-là qui disait bah de voir les feuilles qui tombent tu sais à quelle période tu es. Alors que dans ta chambre t'as toujours la même température. Et puis aussi t'as des sensations, enfin tout le monde a cette sensation tu sais, t'as le froid sur tes joues...

Moi : Et t'en connais des résidents qui aiment bien ça ?

Juliette : Ouais, c'était une personne qui faisait ces petites promenades d'elle-même.
Moi : D'accord... Et pour toi quelles seraient les activités à faire dans le jardin ?
Juliette : Bah pour moi le jardin il doit avoir une bonne base de plantes vivaces, enfin qui reprennent le même court tous les ans, enfin qui ne demande pas trop d'entretien sinon t'as pas le temps, et après tu peux mettre des petits trucs qui bouleversent un peu, je sais pas ta courgette et ton potiron ça fait de l'effet, à surveiller à voir, parce que derrière tes tomates ça fait beaucoup de travail, tuteurer attacher retirer les gourmands. Parce que t'as des choses bah c'est toi qui va le faire. Il faut mettre des choses qui égayent, des fleurs, etc. quoi. On ne cherche pas à être le meilleur maraicher de Queuleu mais bien à susciter du plaisir.

Moi : Et du coup quels effets tu pourrais avoir ?

Juliette : Bah déjà tu as les souvenirs tu vois il y a des plantes qui vont plus parler à certain. Par exemple la mirabelle. T'as tous les effets de couleur, regarde Mme K toutes les fleurs elle aimait trop mais les autres plantes elle s'en foutait. Donc vraiment varier les plaisirs, tu vois mettre un peu de tout ce dont ils ont envie.
Moi : Et est-ce qu'il y a des choses qui les mettrait en difficulté ?
Juliette : Hem non moi je ne pense pas... Après en tant que thérapeute c'est à nous d'adapter l’activité pour la personne, si dans le plaisir on est face à des frustrations, on a raté. Ici on est là pour apporter des stimulations auditives, dans le moteur, sensorielles, enfin tu vois…
Moi : Ouais...

Juliette : Ils ont tous des soucis, des raideurs dans les mains... Donc tu sais que tu ne vas rien en tirer, tu ne vas pas leur demander d'écarter les doigts, c'est à toi d'adapter en leur mettant des graines de courge et pas des graines de tomates. Tu vois c'est à toi de pallier. Tu ne vas pas leur dire « débrouillez-vous » (rires)

Moi : D'accord, alors comment est-ce que tu mesurerais l'efficacité d'un jardin thérapeutique ?
Juliette: Ah, à l'affluence je dirais...Hem et à la spontanéité après il ne faut pas qu'il y ait de contrainte physique, tu vois là le jardin il est fermé à clef (nous sommes dans le PASA en face de la terrasse), le fait que t'en as qui sont en fauteuil donc physiquement ils ne peuvent pas, donc comme je te dis dans les petites terrasses on pourra plus le mesurer sur les terrasses des étages.
Moi : Hem après c'est fermé aussi là-haut

Juliette : Bah les portes elles peuvent être ouvertes, il n'y a pas de soucis. Après en effet, l'affluence ça peut être la demande, le plaisir...

Moi : Et comment tu mesures le plaisir ?
Juliette : Ah bah à la tête, ils te font des mégas sourires ici, en plus t'as le côté un peu plus primaire enfin t'as une petite régression, une désinhibition ; tu sens si ça lui fait plaisir ; si c'est pour toi, tu le sens ou si c'est pour elle tu le sens aussi...

Après toi au PASA tu peux voir s’ils regardent par la fenêtre ; ils disent tu vois la plante, elle a grandi, ou faudra peut-être arroser. Après les interventions spontanées, faut les noter.  Et la porte là elle est toujours ouverte ?

Moi : Non pas toujours...
Juliette : Bah tu vois, les gens qui donnent de nouvelles idées...
Moi : D'ailleurs là tu vois la porte, t'as une barre noire qui bloque les fauteuils roulants, ce qui fait que certaines personnes parfois s'énervent contre elles-mêmes.

Juliette : Alors moi je vais te répondre, j'ai déjà posé la question : c'est pour l'eau (rires)
Moi : Et il y a une possibilité́ de rendre la pente moins abrupte ?
Juliette : Non. (Catégorique) Il y a ça dans toutes les salles de bain, ça fait un joint d'étanchéité. Parce que les gens, ils en chient aussi pour aller dans les salles de bain, mais on ne peut pas faire grand-chose. Sur l'autonomie, ça a un impact !

Moi : Bah oui parce que même moi en poussant leur fauteuil, j'avais du mal. Et à part ça, est-ce qu'il y a d'autres choses qui te semblent compliquées ?

Juliette : Bah les petites jardinières, ça pourrait être pas mal de les suspendre vers l'intérieur ; comme ça, ça réduit la distance pour les personnes en fauteuil. (On sort dehors voir les éléments qui pourraient être ajustés)

Moi : Ok et du coup, selon toi, cette thérapie tu l’appellerais comment thérapie relationnelle ou thérapie non-médicamenteuse ?

Juliette : Alors je dirais plutôt non-médicamenteuse, enfin pour moi tu rentres certes en relation avec la personne ; mais tu peux avoir des résidents qui n'aiment que travailler la terre et heu il avait son rythme et fallait suivre. Enfin, lui, c'était le vrai jardinier donc ce n’était pas relationnel, c'était personnel. C'est rare de jardiner à plusieurs dans son jardin ! Un jardin, c'est personnel ! Tu vois la notion de chacun son jardin secret, son jardin privé ça vient un peu à l'encontre. Après si tu prends les personnes ici elles ne sont pas beaucoup dans l'échange ; ils sont plus dans l'échange avec toi mais en individuel ; à plusieurs, ils sont plus dans des choses générales, ils vont te parler de la plante mais pas du passé... Ils ne vont pas raconter... (silence)

Moi : Et de quelle manière tu pourrais agir toi en tant qu'ergothérapeute ? (Elle rit) Si ça peut t'aider à faire des choses en termes de rééducation ?

Juliette : Bah si, si, si...
Moi : De quelle manière ?
Juliette : Bah je vais revenir sur le plus gros problème d'ici, c'est le temps. C'est sûr que tu peux faire plein de choses et tu pourrais tout tourner autour, enfin au niveau de la rééducation fonctionnelle... Le fait de transporter, de transvaser, au niveau de la motricité qu'elle soit fine ou globale et bien il y a beaucoup de stimulations. Ça apporte un tonus général ; enfin tu peux tout détailler, tu verras.... La motricité fine quand elle va semer bah ça va se passer au niveau des mains, transvaser la terre ; au niveau du tonus, elle va un peu plus se tenir droit, du coup elle va être un peu moins avachie. Tout peut être stimulé. Après on ne parle pas d'activité quand on fait de la rééducation, c'est plus au niveau du temps... Ce qu'il faut, c'est qu'il y ait un groupe qui perdure . Faut que ce soit la localité aussi, si tu perds du temps à courir partout pour aller chercher du matériel c'est compliqué.

Moi : Et si tu avais tout le matériel là à disposition ? S’il y avait un endroit où tu sais que le matériel y est ?
Juliette : Bah le problème, c'est que ce serait peut-être dans mes temps creux mais pas réguliers.

Moi : Et du coup ça perdrait un peu de son efficacité...
Juliette : C'est ça t'as tout compris ! (Rires) Après si ce sont des choses hyper-simples, ça pourrait être mis en place.
Moi : Oui d'accord, déjà rien que d'arroser...

Juliette : ça peut être des choses envisageables ; je fais marcher des résidents pour faire marcher correctement ; là tu vois, j'ai fait marcher Mme K ; ce n’était pas prévu que ce soit dans le jardin parce que d'habitude je la fais marcher dans les couloirs. Elle sait qu'elle peut tomber parce que le sol est bien plat, bien lisse. Là, si je dois l'emmener dehors, va falloir que j'emmène la résidente avec ses chaussures adaptées, ou alors que moi je vais aller devoir courir dans sa chambre, avoir l'autorisation des résidents : est-ce que ça vous va si on va marcher et tout ça ? … Tu vas chercher les affaires et du coup enfin... Ta petite activité juste de marche elle fait (elle rit) je ne sais pas combien de temps parce que le temps de tout équiper... heu …
Moi : D'où l'intérêt d'avoir un jardin d'intérieur...
Juliette : Ouais c'est vrai... (silence) Si c'est dans des balcons comme je te dis, c'est pas non plus … Après si c'est dans le jardin, tu vois l'ouverture où il y a la petite dalle métallique avec des petits trous partout, ça a marché parce que (incompréhensible car inaudible)

Bah elle freine sa marche parce que du coup elle a peur car la dalle, elle bouge... Et ce n’est pas quelque chose de lisse, alors avec les gens qui n'ont pas l'habitude de lever les pieds ça va frotter (elle mime des pieds qui frottent sur le sol). Eh bah c'est pas possible parce que t'as les chaussons qui restent accrochés au sol et puis après bah t'as la petite pente. Douce mais quand même présente qui fait que...
Moi : Oui c'est vrai que ce n’est pas facile, j'ai eu beaucoup de retours...

Juliette : Après si on peut toujours l'utiliser mais...
Moi :  Toi ce que tu fais, ce sont des activités ou des rééducations en seul à seul, jamais en groupe ?

Juliette : Ouais, juste des activités seul. Mais c'est juste avec Marie-Isabelle (l'animatrice) que j'interviens ; mais sinon non, j'interviens avec quelques résidents ou euh enfin... C'est que je me greffe avec les groupes en activités pour faire travailler et puis c'est plus sympa. Ou sinon c'est rare, je le faisais il fut un temps en groupe. Mais avant, on avait un petit groupe ; maintenant on en a de moins en moins…

Moi : Ouais !

Juliette : ça dépend des Ehpad. La piste de la terrasse intéressante à utiliser, ça serait celle de la cafétéria parce qu'elle est quand même plate relativement. Celle du PASA, tu peux pas l'utiliser avec les autres résidents qui ne sont pas du PASA. Moi dans mon idée, si tu mets un rythme à utiliser la terrasse là, quand il y aura le PASA bah ça ne sera plus un lieu privilégié, un lieu clos. Tu vas tout perturber si tu ouvres. Mais ne t’inquiète pas ici, l'activité elle va perdurer (d'une voix douce). Mais oui déjà ici c'est sûr (d'une voix plus forte) Enfin… Il faut réfléchir à un peu d'autres choses ; je pense habiller un peu plus le mur, mettre d'autres jardinières.
Moi : Bah ouais, Marie-Isabelle, elle voulait que l'on mette la table de jardinage surélevée sur la terrasse. C'est juste qu'on va la travailler encore avec les enfants et les résidents... le 24

Juliette : Tu vois si c'est un mur. Tu vois ton autre palette, t'en mets plusieurs... Je ne sais pas si on a le droit...
Moi : Oui, faut que je demande aux techniciens...
Juliette : Tu vois il faut un tape-à-l'œil qui donne envie.

Moi : Ok donc pour revenir aux limites, c'est quoi pour toi, donc tu me disais le temps…
Juliette : Les moyens financiers... C'est con hein, mais chaque bonne idée a des limites et les dons ne sont pas toujours suffisants. Après heu, les limites ça peut être la sécurité, mais bon...

Mais le jardin là-bas, l'accessibilité, c'est quand même une limite avec la passerelle. Tu vois je te racontais quand on voulait m'embaucher dans un jardin raide comme ça (en montrant avec sa main une pente presque à la verticale) qu'est-ce que tu veux en faire ? (Elle rit) Ou avec une bonne pelleteuse. Et puis l'envie des résidents ça peut être une limite. Après n'importe quel résident peut prendre son pied dans le jardin ; rien que le fait d'être dehors t'as déjà beaucoup : t'as l'audition, t'as le... la chaleur de l'air sur la , c'est beaucoup ça, le toucher, t'as la vue, tu peux avoir l'odorat, pour ceux qui sont en fauteuil, grabataires ; donc chaque personne peut s'y retrouver.
Moi : Et au niveau de la manipulation pour elles ?
Juliette : Bah non ça sera plus au niveau sensoriel pour moi, le fait de sentir ; enfin plus on se dégrade, plus il faut partir des sens. C'est ce qui reste aux gens, le goût limite, c'est l'audition, c'est l'odorat, le toucher. Ça les change de leur environnement parce qu'ils n'ont pas ça dans leur chambre. Et ça leur apporte du bien-être, et du coup ils dorment mieux... Et là, t'auras l'effet positif de ton jardin thérapeutique. Elle sentira moins sa douleur.
Moi : Oui mais c'est difficile de mesurer...
Juliette : Bah oui de toute façon, le bien-être c'est subjectif, c'est propre à chaque personne... Donc c'est hyper dur...T'as des échelles de douleur, algo plus je ne sais pas quoi, tu regardes le faciès... T'en as quand tu leur demandes leur EVA (échelle d'évaluation de la douleur) y en a quand t'arrives « oh j'ai mal » tu leur demandes de 0 à 10 ; 10 c'est la douleur heu (elle simule quelqu'un qui a mal) enfin la pire chose insupportable,et il dit « oh là je suis à 7 !» (En haussant la voix) Et puis tu papotes un peu et tu lui demandes : « oh bah je dirais 2 hein » (Elle rit) Donc tu vois, rien que le fait d'être avec la personne, bah tu portes de l'attention à la personne... Ouais...

Moi : Ok, et comment est-ce que tu ferais pour favoriser le contrôle des personnes sur le jardin, c'est-à-dire qu'elles soient davantage les initiatrices des actions ?

Juliette : Ah, (elle réfléchit) bah comme je disais tout à l'heure avec Mme Scholtus (directrice de l'Ehpad) c'est qu'il y a quand même des limites fonctionnelles de l'établissement ; déjà s'ils avaient accès au jardin, bah on pourrait peut-être plus les responsabiliser en leur laissant leurs petites jardinières... à s'occuper. C'est vrai que lorsque c'est dans du commun et bien on s'implique moins... à moins que tu sois dans un bon groupe... Après, c'est pareil à chaque étage, t'as un peu de tension... Je pense que d'enlever la contrainte d'accessibilité du grand jardin et d’ouvrir par étage, ça peut débloquer la spontanéité, le fait d'aller voir, rien que ça... Jardiner, ça a des limites parce qu'il faut avoir des graines, du terreau etc. Et quand t'as des limites corporelles, bah les capacités tu peux pas ; mais quand tu vas voir « oh bah là il manque un peu de flotte, il faut arroser » ou enlever des fleurs fanées, des petites choses dans le genre ; donner déjà plus de liberté, ça permet de responsabiliser, une faible responsabilité enfin là où il n'y a pas de risque pour eux, c'est pas non plus quelque chose qui va les mettre …

Moi : En péril...

Juliette : Ouais, c'est ça. Tu vois, il y a beaucoup de dames qui ont peu de confiance en elles. Soit dans leur vécu hein, c'est sans doute lié à ça mais au niveau de l’estime de soi, c'est difficile.

Moi : Ouais, au niveau de la prise de décision, elles n'ont pas été habituées,

Juliette : Oui c'est ça, elles étaient cantonnées à la maison et pff...
Moi : Oui c'est sûr Mme B, c'est très compliqué...
Juliette : Oui, quand il n'y a pas d’élan, après je pense que tu l'as fait, le choix des graines ce qu'elles aimeraient faire ; mais entre dire ce qu'elles aimeraient avoir et s'en occuper, c'est deux choses différentes : il faut que ça suive après, il y en a, c'est la folie des grandeurs, je veux ça et ça et ça (rires).

Alors au bout d'un moment, il faut qu'ils s'en occupent... Il y aura toujours Mme D, elle a une énorme niaque après au niveau de la pathologie les gens la vivent très différemment que ce soit au niveau physique ou mental. Tu vois que c'est une personne qui malgré ses difficultés corporelles et bah elle y va.

Moi : Oui

Juliette : Elle se met debout, elle bouge, elle ne se laisse pas abattre, elle continue de vivre... Et heu elle poursuit son petit chemin. Tu vois qu'elle a son petit rythme. T'en as, ils s'arrêtent dans leur chambre, avec leurs idées noires. C'est un cercle vicieux qui les emmène encore plus alors qu'elle c'est une poussée positive. Et là, il faut quand même veiller à ne pas trop lui demander non plus. Moi, je l'ai déjà retrouvée dans sa chambre à essayer de recoudre son coussin avec une aiguille bah …
Moi : Ah oui c'est vrai qu'elle aime bien la couture...

Juliette : Alors je lui ai dit bah attendez je vais vous aider, alors elle a dit ah bah oui je vais vous montrer alors j'ai détourné la chose, je lui ai dit : « bah je vais être vos mains, mais par contre et elle était toute contente, elle m'a montré. Donc toujours vérifier que l'activité reste adaptée à Mme D,  ne jamais la mettre en échec pour ne pas faire baisser l'estime de soi.Que les plantes qu'elle arrose soient adaptées à sa hauteur ; ou tu vois que les plantes du haut soient retombantes.

Moi : Oui bah c'est ce que j'ai fait ! On a mis du lierre.
Juliette : Oui bah c'est bien, il faut bien faire attention lorsqu'elle se lève à ne pas se mettre en danger...

Moi : Oui, parfois j'ai du mal à la canaliser... Oui, le souci c'est parfois qu'elle fasse à la place des autres...
Juliette : Après ça dépend de l'investissement des autres. Tu vois, les autres aussi, ils sont bien contents que ce soit elle qui fasse tout. Ils prennent un plaisir passif. T'en as beaucoup qui aiment être là, observer, qui chipotent un peu ;tu vois si on leur en donne l'occasion plus attirer dans l'agir, après il faut limiter par des zones des secteurs, laisser la possibilité aux gens qui veulent faire. Après tu vois quand ça les barbe, donner la fin à Mme D. Tu vois après, t'en as qui se font chier, ils s'en iront. Il faut que tu leur laisses un petit truc à faire. (Silence) Ouais c'est ça, tu vois Mme L. bah Mme D, elle lui piquait son arrosoir. Tu vois Mme L je l'ai vue dehors, c'est toi qui lui as demandé de sortir ?
Moi : Non, non !

Juliette : Bah tu vois c'est que ça lui porte intérêt. C'est positif de sortir de soi-même... (silence) Après s’il n'aiment pas, ils savent te le faire comprendre.
Moi : Et là, est-ce que ça te semble pertinent d'installer un espace privé ?
Juliette : Après tu vois, on peut mettre un paravent, y en a en bas à la cave ! Ouais, tu crées facilement des zones. Ouais et puis garder des tables pour déjeuner dehors tu vois, ils ne le font plus ça à part peut-être en famille.
Moi : Oui... Et j'ai encore une question...Oui, j'ai remarqué les personnes âgées, elles se servent de grosses cuillères de façon spontanée et elles préfèrent ça aux binettes...
Juliette : Ouais après réfléchis dans l'autre sens : qu'est-ce qui est le plus adapté ? Au final ce sont eux qui ont raison.

Moi : Ouais bah ouais c'est ça !

Juliette : Parce que t'utilises tes ustensiles lorsque t'as un gros bac à jardiner, enfin c'est proportionnel à ce que tu vas jardiner, tu vois, tu jardines dans ton jardin, tu prends la bêche. Et puis sinon quand c'est des petits trucs, t'utilises les mains.

Moi : Oui, non mais j'étais content qu'ils fassent ça en toute autonomie.

Juliette : Oui ils sont souvent pleins de ressources... Et ils n’utilisent presque jamais de gants, c'est vraiment différents rapports à la terre...

Moi : Ouais...
Juliette : Mm oui mais la clef, c'est de tourner les activités autour de ce qu'ils faisaient avant ; c'est là où t'as le plus d'intérêt parce que t'as de l'émotion qui s'ajoute.

Moi : Ok d'accord, et pour conclure comment tu les responsabiliserais ?
Juliette : Mettre des plantes dans leur chambre... Après responsabiliser, t'es confronté aux contraintes sanitaires. Aussi ce qui serait sympa, c'est d'aller avec les résidents acheter les plantes. Tu vois les résidents, ils font leurs propres plants, ils achètent leurs propres pots. Et puis après ce qui pourrait être sympa, ça serait de les emmener à la Chaouée, visiter des jardins, mais du coup tu crées d'autres activités. Sortir avec un but tu vois, t'as une responsabilité. Même si c'est toi qui vas porter le pot. Ça va, ça te suffit ?
Moi : Oui après si t'as d'autres choses à rajouter, des choses à rajouter au jardin, des activités annexes ?
Juliette : Mm oui faire des orties, tu vois, constituer un petit groupe qui aime bien jardiner, amener du plaisir, faire des échanges ; là tu vois, tu mets un parasol et tous les jours ils vont déjeuner dehors ; il faut toujours répondre aux envies et faire en fonction des capacités des résidents, des habitudes de chacun. Amener les gens dans les terrasses des étages.... Tu mets un parasol et tous les matins au PASA ils viennent boire le café...

Moi : Oui.

Juliette : Et puis derrière thérapeutique, il y la notion d'évaluation... et calculer les limites... Si c'est n'importe qui fait n'importe quoi. T'as plus d'échecs... Tu vois ?
Moi : Ok super merci !

Fin.

 

11.7 Entretien avec le Pr. Verny, gériatre

Chef du pôle gériatrie de l'APHP de la Pitié Salpêtrière

 

Moi : Je voudrais savoir tout d'abord, selon vous, ce qu'est un bon jardin thérapeutique ?
Pr. Verny : Alors je ne poserais peut-être pas la question comme ça, mais à qui ça s’adresse, c'est-à-dire que la population âgée n'est absolument pas homogène mais que la très grande majorité vont présenter des troubles cognitifs. Donc une bonne sont dans le cadre des maladies démentielles comme la maladie d'Alzheimer mais pas uniquement et donc voilà la question est-ce que sur cette population là il y a un intérêt et qu’est-ce qu'on peut attendre parce que toutes les pathologies sont vécues différemment que ce soit sur le plan de l'étiologie est ce que c'est d'origine vasculaire comme sur l'intensité et la sévérité des troubles est ce qu'il s’agit de troubles légers. Alors après les études qu'il peut y avoir, j'entends des études scientifiques sur cet aspect très précis de l’éventuel bénéfice qu'il pourrait y avoir pour ce type de patients, elles ne sont pas si solides que ça, après on a des observations qui disent ça fait du bien mais pas grand-chose dans la littérature scientifique avec des standards pour les évaluations thérapeutiques. Après ce que l'on sait très bien c'est que globalement avoir une activité est mieux que de ne rien faire du tout. Que les bénéfices quels que soient les activités proposés seront d'autant plus marqués que les personnes sont partantes pour faire ce types d'activité en ayant toujours rêvé, il faut qu'ils soient engagés dans l'action et après les autres grandes questions c'est qu'est-ce qu'on cherche à améliorer d'un côté on va améliorer les troubles intellectuels et de l'autre, le grand volet ça sera les troubles comportementaux l'agitation, agressivité ou au contraire l'apathie où les individus ne prennent pas d'initiatives donc on regarde pas du tout les mêmes choses après il y a le temps parce que lorsqu'il fait froid... c'est autant de difficultés méthodologiques qui sont importantes parce que autant faire des essais avec des médicaments placebo contre placebo, mais évaluer de façon très rigoureuse les effets des thérapies non médicamenteuses c'est un gros challenge. Bon après on connait les effets protecteurs du jardinage.

Moi : Pour quelles populations ?

Pr. Verny : De la survenue d’une démence au même titre que les voyages et tout ce qui gravite autour. Ça c'est à peu près acquis. Il y a aussi une expérience de jardins hors sols...
Moi : Oui de permaculture

Pr. Verny : Oui. Bon après si on veut essayer d'évaluer tout ça il faut faire attention aux caractéristiques des populations pour essayer d'avoir la population la plus homogène possible pour essayer de tirer des conclusions valables. Mais les grandes questions c'est aussi comment faire du doubles aveugle. La réponse c'est clair, ce n’est pas possible mais on peut contourner la difficulté en faisant du simple aveugle où les chercheurs seront en aveugle de leurs patients donc on va devoir faire plusieurs groupes et c'est là aussi que l'on va rencontrer une difficulté, c'est quoi une activité qui va être placebo ? Si je dis tester le jardinage par rapport à une activité de revue de presse ?
Moi : Peut-être en comparant des activités de jardinage thérapeutiques par rapport à des personnes qui se promènent juste ?
Pr. Verny : Oui effectivement ça peut être un choix, ils peuvent venir se promener dans le jardin mais sans rien qu'on leur dise, mais on voit que ça représente des éléments complexes à mettre en place dans l'Ehpad. Alors ça représente un processus important dans la réflexion et la conception et ensuite c'est complexe dans l'application avec des personnels qui doivent être spécifiquement dédiés à ça. On ne peut pas demander au personnel de l'Ehpad. Enfin encore une fois sur ce qu’on a pu montrer c'est que pas mal d’activités participatives sont bénéfiques et ce quel que soit l'activité. Enfin on a quand même l'impression qu'il faut une palette d'activités suffisante pour qu’ils aillent mieux grosso modo. Ce qui reste complique c'est de savoir si l'on vise plutôt le comportement ou la cognition et si on vise la cognition est-ce qu'on vise l'amélioration ou un déclin moins rapide comme le cas de la maladie d'Alzheimer. Donc il faut minimum un an.
Moi : Justement à propos de la maladie d'Alzheimer est-ce que les résulta peuvent différer selon les stades ?
Pr. Verny : Oui alors je ne connais pas d'études à ce sujet mais ça peut être une hypothèse. Encore une fois il y a des groupes qui font des études mais la méthodologie n'est pas là et les sous ne sont pas là non plus.

Moi : Oui c'est toujours une histoire de gros sous ! (Rires)

Pr. Verny : Non mais comme souvent la recherche, s'il on veut arriver à mettre une méthodologie sérieuse et rigoureuse ça va couter de l'argent.

Moi : Il faut aller en Amérique ! (Rires)

Pr. Verny : Et là toute la question qu’ »il y a c'est est-ce que ça en vaut la chandelle. Et là c'est le serpent qui se mord la queue parce qu'on ne peut pas savoir avant d'avoir fait. Mais c'est vrai que sur des agences officielles on n'a pas forcément envie d'avoir des investissements sur ce genre d’expérimentation. Là où éventuellement des fondations pourraient ne se dire pourquoi pas. Mais ce n’est pas que pour le jardin thérapeutique. Il y a une étude qui a été réalisée de façon rigoureuse des stimulations cognitives non médicamenteuses à travers des groupes mais qui n'a pas réussi à montrer des bénéfices évidents. Il y a peut-être eu des problèmes de choix de critères principales alors il fallait que les activités évitent des évolutions sévères de certaines démences, c'était un peu raide mais en tout cas ça a montré que toutes les activités de groupe avaient moins de bénéfices que des activités à la carte. Alors comme je dis le souci, c'est que l'on est pas encore à l'ère où on fait du prêt à porter; on fait de la haute couture mais ce qui peut se comprendre on a des profils de patients qui ayant des pathologies différentes vont avoir des réponses assez hétérogènes; alors dans les problématique cognitives où on a intérêt à être précis sur ce qui marche ou ce qui ne marche pas et derrière comment on va essayer d'amener le patient à progresser ou tout du moins à ne pas s'aggraver de façon significative. Qu'est-ce qu'on met comme objectif comment on va évaluer, qu'est-ce qu'on va évaluer ? Et ça s'est pareil les études ont beaucoup de mal à fixer des objectifs. Bon après les jardins thérapeutiques c'est vrai que ce ne sont pas des aménagements majeurs mais si on fait des installations spécifiques ça chiffre ! Bon après vous allez faire un type d'activité avec un type de jardin spécifique mais ça veut dire que vous avez démontrés cette activité pour cette activité-là dans ce contexte-là donc rien ne dit qu'une activité de jardinage apporte les mêmes bénéfices. Donc la généralisation de la chose va être potentiellement compliquée donc on va faire du multi centré avec des grandes lignes suffisamment souples pour que la généralisation se fasse aisément.
Moi : Hm c'est quoi le multi centré ?

Pr. Verny : Le multi centrique c'est heu par exemple on va prendre plusieurs Ehpad

Moi : Pour croiser les résultats ?

Pr. Verny : Oui alors vous allez voir si la ville de Paris ne peut pas mettre des sous au CCAS parce que ça fait pas mal de résidents, donc vous devez être sûre que les activités dans les Ehpad sont les mêmes

Pr. Verny : Oui mais les pathologies des Ehpad ne sont pas forcément les mêmes...

Ah bah si vous pouvez sélectionner les patients ayant que certaines pathologies après le souci c'est que dans les Ehpad, vous allez voir que les patients qui ont un diagnostic authentiquement posé, il n'y en a pas beaucoup. Donc du coup vous allez vous retrouver avec peu de gens pareils d'où l'intérêt du multi centrique. Après quand vous la faite, c'est comment faire, est ce que je tire au sort les Ehpad pour savoir lesquels auront le Placebo ou la thérapie ou est-ce que je vais à l'intérieur de l'Ehpad et je divise mon groupe homogène en deux ? Chaque méthode a ses avantages et ses inconvénients. Et lorsque vous faites ça, vous pouvez avoir un effet de contamination, c'est-à-dire que les personnes qui font le jardin thérapeutique, vous allez leur expliquer ce qu'on attend ; mais du coup quand la personne du groupe placebo viendra juste grattouiller la terre et bien il y aura certainement des personnes de l'encadrement qui montreront à bah non regardez : on peut faire si on peut faire ça, et bref l’orienter vers ce que font les autres en activité purement considérée comme thérapeutique. Et là vous ne trouverez rien dans votre recherche.
Moi : Oui il faut prévenir le personnel...
Pr. Verny : Oui après c'est compliqué de voir jusqu'où va la contamination. Donc voilà ce sont des exemples, c'est pour expliquer pourquoi tout c’est extrêmement complexe. Ça explique pourquoi il y a peu d'études mises en œuvre, parce que c'est compliqué et assez rébarbatif à mettre en œuvre. Après voilà il y a pas mal de choses qui ont été faite avec des résultats d’études préliminaires, c'est-à-dire que l'on a fait et qui donne des éléments d'orientation. Mais ce que tout le monde attend ce sont les études rigoureuses

Moi : Et est-ce que vous avez un jardin thérapeutique ici ?
Pr. Verny : Alors ici on est pas du tout dans le même registre parce qu'on a une population qui fiat des décompensations des AVC donc le jardin c'est compliqué éventuellement des activités seraient mieux en Service de soins de suite où les personnes viennent marcher après une fracture du col du fémur. C'est vrai que de centrer le jardin sur des Ehpad ou sur des structures ambulatoires telles que les hôpitaux de jour thérapeutiques ça a un sens. Bon en vérité il y a un jardin vers là-bas (en faisant un signe de la main) c'est rare qu'il serve. Parfois les patients sont emmenés par les kinés sur les allées mais elles ont des irrégularités sur le sol. Et puis ce n’est pas pour faire du jardinage mais pour être sur un parcours de marche. Et puis il y a 70 à 80% des personnes qui ne peuvent pas faire des gestes de base comme s'habiller ou la toilette. Imaginez-vous clouer au lit avec une grosse grippe vous iriez pas jardiner ! (Rires) Après les patients qui sont là pour des périodes plus longues bah ça sera fait pour les personne en individualité et puis pour qui on le fait, le cancéreux ou la personne qui a un AVC.

Moi : Et pour les personnes avec des troubles du comportement ?
Pr. Verny : Alors là il faudrait avoir assez de personnel pour faire le jardinage, après il y a les UCC qui sont hospitalisés spécifiquement pour ses troubles là donc là on pourrait réfléchir à mettre en place un jardin pour peut-être faire baisser l’agressivité. Si par exemple vous menez une étude dont vous extrapoler les résultats sur une autres structure c'est compliqué méthodologiquement.

Moi : D'accord et pour les PASA où les personnes ont des troubles relativement stables ?

Pr. Verny : Oui enfin ils ont des fluctuations potentielles ils n'ont pas toujours le même profil que les UCC. Après on peut dire que c'est l'effet bénéfique du PASA. Ça peut agir sur le bien-être mais après de là à dire que ça résorbe les troubles, bon... Après ça a été la grande idée du PASA c'est la rotation des gens après on voit bien que c'est un peu toujours les mêmes. Pour moi les bonnes cibles pour évaluer ce sont les personnes ambulatoires comme Ehpad enfin l’accueil de jour et l’hôpital de jour sont plus propices. Pourquoi ? Parce que les gens arrivent par l’intermédiaire de médecins qui leur ont fourni des éléments médicaux précis alors que dans les Ehpad on n’a pas ça. Quand on dit qu’au mieux que les personnes sont démentes mais sinon on ne fait même pas de diagnostic, c'est difficile de dire pourquoi ils sont déments est-ce que c'est une maladie d'Alzheimer et lorsque c'est à un stade avancé, c'est extrêmement difficile...
Moi : Oui, on les met dans le fourre-tout des MATA !

Pr. Verny : Voilà exactement. Pourquoi ? Bah parce qu'il faut bien reconnaître qu'il n'y a pas de raison de le faire. Il n'y a pas de médicament adapté, il y a tout juste des activités mais on est pas dans une démarche scientifique. On se dit bah ceux qui la font tant mieux, ils en tireront peut-être des bénéfices.

Moi : Oui donc vous préféreriez quoi comme méthode qualitative ou quantitative.
Pr. Verny : Faire que du qualitatif c’est un peu compliqué dans ce genre d’évaluation parce qu'on va être sur des petits effectifs avec, c'est directement inhérent à la méthode qualitative. On peut plutôt faire une espèce de mixte avec un recueil qualitatif qui éclaire sur un groupe. Finalement on s'en fiche si le patient va améliorer je ne sais quelle échelle de qualité de vie et non améliorer la pathologie. La méthode qualitative elle peut apporter un éclairage sur pourquoi ça marche ou pas, mais ce n'est pas vendeur. Les gens disent bah vous avez permis de nous faire comprendre ce qui marche mais si je demande au groupe qui finance les Ehpad il gagne quoi ? (Rires) Enfin encore une fois je caricature mais il faut faire avec la réalité. On choisit ce qu'on veut comme cible : échelle de comportement etc. mais avec du quantitatif. Le qualitatif ça va être axé sur le bien-être, les émotions le subjectif.

Moi : Et du coup est-ce que le bien-être peut être considéré comme thérapeutique ?

Pr. Verny : Alors la grande question qu'on va vous poser derrière c'est : est-ce que c'est du spécifique ? Alors ok vous avez montré que ça améliore le bien-être mais, est-ce que si j'amène les résidents à faire de la cuisine est-ce que ça n'aura pas les mêmes bénéfiques ?

Moi : Oui...

Pr. Verny : Et oui, plus vous augmentez les facteurs plus vous aurez du mal à prouver votre étude. Après je redis, il est important de cibler. Si vous prenez les individus en Ehpad, ce qui perturbe la vie en Ehpad, c'est les troubles du comportement. Qu'est-ce qu'on attend des objectifs ?

Moi : D'accord et est-ce que vous connaissez des limites architecturales

Pr. Verny : Hem oui, bah il faut de l'espace si vous êtes en ville c'est compliqué. Après si on rêve les jardins thérapeutiques ça va améliorer les pathologies des résidents, pourquoi pas.
Moi : C'est marqué dans le plan Alzheimer.
Pr. Verny : Oui mais ce n’est pas possible il faut des choses un peu consistantes, il n'y a pas de définition claire. Et quels types d'activité est-ce que toutes les activités de jardinages sont équivalentes ?
Moi : Et alors est-ce qu'interroger les résidents ça ne peut pas aider à bien cibler ?
Pr. Verny : Alors pour aller au fond de ma pensée quand on fait une étude il est important que les résultats soient explicables. C'est beaucoup plus puissant lorsque le résultat est anticipé dans les hypothèses, ça montre que mes hypothèses sont probablement valides. Après on est un peu dans la même discussion si on part au petit bonheur la chance c'est bancal. Par exemple, je vais faire un jardin thérapeutique avec des légumes de saison pour les processus attentionnels. Je vais mesurer ça et je montre que j'ai raison ça sera plus efficace. Il faut donc avoir une réflexion sous tendue par le théorique. Après oui je redis les personnes des accueils de jour les personnes sont quand même moins dépendante alors il faudrait faire les études et avec des détériorations moins marquées.

Moi : D'accord.

Pr. Verny : Voilà ce que je peux vous dire

Moi : Ah oui et je voulais savoir quelles parties émotives seraient actionnées lors d'atelier plutôt axées sur l'émotion

Pr. Verny : Bah ce qu'on sait sur les activités, c'est les processus attentionnels et les fonction exécutives, l’organisation la planification, le rythme des saisons. Après, le facteur émotionnel est assez lié au processus de mémorisation, mais il ne faut pas que ce soit trop important pour ne pas qu'il y ait le phénomène inverse. Mais voilà, c'est à peu près tout ce qu'on sait. Voilà !
Moi : D'accord.

Pr. Verny : Je ne sais pas si vous quelque à rajouter ?
Moi : Hem non.

Pr. Verny : D'accord, bon bah merci !
Fin.

 

11.8 Entretien avec Mr Bourdon, directeur et gestionnaire de l’association O Ubi Campi

 

Mr Bourdon : Oui bonjour ! alors je pense que ce serait bien que ce soit vous qui commenciez avec vos questions.
Moi : Oui, je vais peut-être vous reposer un peu les mêmes questions que celles que je vous ai déjà posées, mais c'est pour les avoir dans l'entretien.
Mr Bourdon : Oui.

Moi : Alors, déjà pour vous, qu'est-ce qu'un bon jardin thérapeutique ? Ses éléments...

Mr. Bourdon : (silence) Je suis en train de réfléchir à la bonne réponse à donner. Etant donné que le jardin thérapeutique est relativement banalisé dans le sens où tout le monde en parle sans vraiment savoir de quoi il s’agit, je pense que ça se résumerait pour moi à un jardin qui couvrirait les trois axes suivants :

-une mission pédagogique aussi bien pour les patients, les aidants que pour les soignants

-une mission de design paysager de manière à ce que les gens s'y retrouvent

-une autre mission que je citerais en premier : un bénéfice pour les patients qui soit mesurable

Moi : De quelle manière on s'y prendrait pour atteindre les bénéfices ?

Mr Bourdon : Alors pour moi, tout le travail de développement est d’utiliser les ateliers situés à l’intérieur afin d'utiliser des dispositifs identifiés dans le jardin, pour lesquels a déjà eu lieu un travail d'évaluation des bénéfices thérapeutiques. Autrement dit, il n'est pas obligatoire à chaque fois qu'on fait le jardin de mettre en place un dispositif d'évaluation si l'on connaît ses vertus thérapeutiques. Moi ce que je fais, ce sont des évaluations sur tout ce que l'on ajoute en plus pour créer un jardin. Pour moi, les missions de base d'un jardin sont la sécurité et l'ergonomie ; effectivement, je vais parler d'esthétique et de bien-être, mais c'est la base, les fondations ; et après on va ajouter l'aspect thérapeutique. Sur les fondations, on n'a pas véritablement d'effet thérapeutique sur pas mal de choses ; il y a un effet seulement ponctuel sur les troubles du comportement ou d'autres comme l'anxiété. Donc il faut rajouter des éléments potentiels dans lesquels on va faire des évaluations adaptées aux populations que l'on veut traiter. Par exemple si vous voulez, vous décidez de prendre telle molécule pour soigner tels éléments cardio-vasculaires pour soigner telles pathologies.

Moi : D'accord ; et alors est-ce que vous avez une méthodologie spécifique pour les démences ?

Mr Bourdon : Alors c'est-à-dire que c'est un sujet général qui va se traduire au niveau clinique par différentes formes d'effets ; donc, qu'est-ce qu'on va vouloir traiter ? Bah est-ce que se sont des problèmes de cognition, d'autonomie fonctionnelle, de praxis, d’aphasie ? est-ce que ce sont des problèmes d'orientation spatio-temporelle ? Ou des problèmes heu de troubles du comportement ? On va d'abord identifier ce que l'on va traiter. Et nous, on a obtenu pour les personnes atteintes de démence de type Alzheimer des effets sur les troubles d'autonomie fonctionnelle et sur des troubles cognitifs qui sont mesurables par les MMSE et et les troubles d'autonomie fonctionnelles.

Moi : D'accord.

Mr Bourdon : Alors je voudrais juste savoir à quoi vous servent mes réponses, Damien ?
Moi : En fait, ce que je souhaiterais traiter dans mon mémoire, c'est l'approche globale de la personne, en prenant en compte son passé, ses proches etc. et savoir quelle approche vous paraît la plus pertinente.

Mr Bourdon : Alors moi je vous pose une question : quelles approches avez-vous déjà utilisées ?
Moi : Alors heu. déjà une approche de l'environnement : essayer de prendre en compte tout ce qui relève de l'esthétique et de la prise en compte de la dépendance, mais également de l'autonomie afin que les personnes soient les plus à même de se réapproprier l'environnement grâce à la co-création d'un jardin thérapeutique.
Mr Bourdon : Je suis en partie d''accord : certaines personnes sont incapables de participer à la mise en place d'un jardin ; vous leur dites : est-ce que vous pouvez nous aider à aménager telle partie du jardin ? En tant que professionnels, on peut éventuellement leur donner un fil rouge à suivre. Elles pourraient parler de ce qu'elles aimeraient. Il faut donc définir le niveau auxquelles elles peuvent être impliquées pour être sûrs qu'elles soient effectivement en capacité d'apporter de la valeur à cet espace et d'éviter de mettre en échec les personnes.

Moi : Oui, je suis tout à fait d'accord avec vous ; moi, ce que j'entendais par autonomie, c'était de questionner les envies des résidents, ce qui est différent de la dépendance.

Mr Bourdon : Oui, je comprends ; ce qu'il faut savoir, c'est qu'un objectif, il ne va pas se décliner de la même façon suivant les populations auxquelles on s'adresse. Si je parle d’autonomie pour un patient suite à des lésions cérébrales, je ne vais pas avoir le même type d’altier que pour une personne qui a des troubles de type Alzheimer.

Moi : Oui, bien sûr.

Mr Bourdon : Donc pour moi c'est un élément important de concevoir le jardin comme des thérapies médicamenteuses : on va s'assurer qu'il y a une bonne cohérence entre l'outil thérapeutique et le diagnostic. Un jardin sert à tout le monde d'accord ; il n'y a pas d'effet secondaire. Il faut bien cibler les attentes et faire en sorte qu'il apporte des bénéfices. Un jardin bien conçu permet que les patients passent d'un statut de spectateur à un statut d'acteur ; et l’interaction plus ou moins forte qui en découle est renforcée par des ateliers.

Moi : D'accord, mais les poly-pathologies, est-ce qu'elles ne peuvent pas fausser un peu le résultat ?
Mr Bourdon : C'est une question de protocole. Quelques études ont montré que le fait d'avoir de l'activité physique, de circuler dans un jardin, ça fait du bien. Donc on peut dire que faire du sport, ça fait bien à tout le monde. Maintenant le problème du jardin thérapeutique, c'est qu'il ne s'agit pas uniquement de traiter des problèmes classiques, mais de traiter des problèmes spécifiques que peuvent rencontrer certaines personnes. Alors la question est de savoir ce qu'on va pouvoir traiter. Si j'ai une maladie infectieuse, je ne vais pas dire : « écoutez, vous arrêtez tout parce que j'ai conçu un jardin thérapeutique pour des problèmes d'infection bactérienne » ; alors là, en tout cas ce jardin il n’existe pas. Alors je leur dis : » vous allez continuer votre traitement comme pour les personnes avec de l’arthrose ... Ce qui va permettre de se substituer à certains anti-inflammatoires et je n’ai pas travaillé là-dessus. L’activité physique, elle peut être bien utile, mais on ne va pas la mesurer ; je n'ai pas la prétention de tout résoudre. Du coup, j'ai ciblé les choses sur lesquelles j'ai mené des évaluations comme les troubles du comportement, les pertes d'autonomie fonctionnelle, des problèmes de chute, de nutrition de troubles du sommeil du rythme circadien. Donc on adresse une réponse que l'on conçoit en fonction des patients. Si j'ai des patients adultes qui ont des troubles du sommeil, je vais les traiter différemment de ceux des personnes âgées atteints par Alzheimer. Maintenant, sur votre question à propos du protocole : sur une population traitée on a des patients qui ont un type de pathologie et d'autres qui ont des poly-pathologies ; alors je vais choisir un groupe pour lequel le jardin conçu peut traiter les problèmes d’agressivité et les problèmes de troubles de mémoire, de désorientation spatio-temporelle. Donc du coup, je peux observer si effectivement j'obtiens des bénéfices sur cette population Alzheimer. Je ne vais pas dire que je traite les problèmes d'escarres de Mme X ou Y et les problèmes d'arthrose de Mme W parce que mon protocole va alors être trop lourd. Donc on va pouvoir avoir une « significativité » dans l'étude.

Moi : D'accord, donc cibler les pathologies principales du groupe de référence ?
Mr Bourdon : Alors il y a deux choses : soit je sais pas si vous souhaitez pour votre mémoire vous concentrer sur la méthodologie ou sur la conception du jardin qui est de commencer avant tout par identifier la population ciblée, puis se mettre d'accord avec l'équipe soignante sur la façon dont il faut procéder ; voilà, on a un groupe de 20 personnes qui pourraient utiliser un jardin ; est-ce qu'on va chercher une solution pour le plus grand nombre ? la réponse est oui évidemment ; après, si on peut à des occasions un peu plus marginales apporter quelque chose de plus positif pour les autres, tant mieux.

Moi : D'accord ; et sur quels critères vous mesurez l'efficacité du jardin ?
Mr Bourdon : Ah, là je peux répondre. Nous là-dessus, c'est simple on regarde sur ce jardin l'évolution du MMS au début que vous avez sur le document que je vous ai envoyé ; on regarde l'évolution au début et à la fin de la période d'étude. On fait des tests à partir d'un protocole robuste, répétitif et suffisamment sensible pour que l'on puisse mesurer les différences entre les patients ; si on le refait à un autre patient, on aura le même type de résultat. Quand je parle de robustesse, si moi je fais une évaluation des MMS de Mme Z, j'arrive à une valeur. Vous faites l'évaluation : si vous obtenez 12 alors qu'elle était à 17, c'est qu'il y a un problème. Par contre, si on obtient 15 évaluations avec un résultat croissant, c'est mieux.
Moi : D'accord ; du coup vous partez essentiellement d'évaluation quantitative ?

Mr Bourdon : Si vous voulez, moi j'ai essayé de ne pas être celui qui allait inventer le jardin, les protocoles et les systèmes de mesure. Bon, j'ai construit les protocoles et les systèmes de mesure ; je ne pouvais pas justement parce qu'il faut pouvoir mesurer cette notion de sensitivité et de robustesse. Donc on a utilisé des tests qui sont peut-être discutables sur certains points, mais qui ne le sont pas pour ces raisons-là. Cela nous permet d’avoir un suivi que je fais dans un objectif de recherche. Je suis dans un Ehpad, d'accord ?
Moi : Oui.

Mr Bourdon : Et à l'intérieur de cet Ehpad, mon objectif, c'est de dire : j'ai une équipe de soignants, des familles et une équipe de direction très impliquées sur le jardin à qui j'aimerais montrer que l'utilisation du jardin a vraiment un effet. Je vais d'abord poser la question en termes de pathologie et de symptôme majeur concerne la plus grande partie des résidents de cet Ehpad ? Si je constate que le problème est de trouble de comportement ou pour la population concernée des troubles du sommeil, je vais essayer de prendre en charge les troubles du sommeil. Ou des problèmes d’agressivité parce que ça crée une ambiance qui est souvent déplorable, bien, ça crée une pression pour tout le monde insupportable. Donc je vais concevoir le jardin par rapport et essayer de trouver un dispositif de mesure qui va permettre de voir si j'ai quelque chose de plus intéressant pour l'établissement. Or regardons pour les troubles du sommeil, j'ai fait des remarques sur l'année on a des enregistrements de personnes qui se lèvent pendant la nuit, combien de temps ils se lèvent, je vais essayer de suivre si j'ai une amélioration
Moi : Et pendant combien de temps vous faites ces observations?
Mr Bourdon : Alors ça, il faut décider avec les équipes parce qu'il est évident que si c'est une évaluation qui n'est pas gérée par des professionnels à l'intérieur de l'Ehpad, faire ça sur deux mois, c'est pas mal déjà.
Moi : D'accord.

Mr Bourdon : En fait tout dépend de ce que l'on regarde et de la façon dont on traite le problème. C'est tout aussi bien si l'on peut le faire sur une période courte ; est-ce que les mesures sont complexes ? Sachant que l'on a du personnel bien occupé, on ne peut pas arriver avec quelque chose qui va manger la moitié du temps des professionnels. Sinon vous n'allez pas avoir une adhésion. Donc il faut quelque chose qui se glisse facilement et dans lequel on puisse avoir une fiabilité pour pouvoir dire à la fin : « on avait 6 personnes en moyenne qui se levaient quasiment chaque nuit, ce qui posait beaucoup de problèmes car le personnel était complètement débordé par cette situation, venant renforcer l'absentéisme ; ça créait une mauvaise ambiance, ça déréglait complètement le rythme. Donc c'est un diagnostic qu'on a posé au départ et maintenant depuis qu'on a mis le jardin thérapeutique dans le protocole visant les troubles du sommeil, on a observé plus que trois levées par nuit. Voilà la réponse.
Moi : D'accord ; est-ce que c'est pendant les transferts que les infirmiers ou les aides-soignants ont noté les changements ?

Mr Bourdon : Oui bah après si je reste sur cet exemple-là, il peut y avoir un cahier où l'on marque quand quelqu'un qui se lève : il faut laisser une traçabilité de cette information de manière à la conserver. Et dans certains services, plusieurs types de ces informations sont déjà gérées. C'est facile à mettre en place.

Moi : Et est-ce qu'il y a des choses qui ont moins bien marché lors de la mise en place du jardin ?
Mr Bourdon : Oui, on n'a pas toujours obtenu de bons résultats ; alors on a essayé de les améliorer. Par exemple, on continue de s'intéresser aux problèmes de la dénutrition. Bon, beaucoup ont des problèmes d’appétence ; ils arrivent « dénutris » et ont des compléments alimentaires. On a mis pas mal de temps avant de concevoir un protocole ; pour véritablement valider avec robustesse les résultats, on a fait des premières mesures au début. On n'a rien obtenu dans un premier temps. Après on a travaillé pour voir ce qu'on pouvait améliorer. Et là, maintenant on a quelque chose qui semble intéressant. Je suis en ce moment en train de réfléchir à mettre en route un protocole d'étude un peu plus lourd pour valider qu’on peut avoir des éléments dans le jardin qui permettent de gérer un certain nombre de problèmes dus à la dénutrition. Voir quelles sont les exceptions, là où ça ne marche pas etc... Heu sinon on a travaillé aussi sur les problèmes de fuites urinaires, d'incontinence ; il y a des situations où ça a marché et d'autres moins bien. Nous, on part de rien, rien n'a été conçu au départ. Il faut trouver la réponse et ensuite le système de mesure de cette réponse, ce n’est pas évident. Je ne vais pas tout seul concevoir un dispositif qui permet de mesurer l'évolution de l’incontinence ; je m'appuie aussi sur les équipes soignantes.
Moi : Et comment prouver ce lien entre jardin thérapeutique et problèmes d'incontinence ?

Mr Bourdon : Alors là, il peut y avoir des sujets qui sont déjà des objectifs à atteindre à l'intérieur d'un établissement. Un exemple : la réduction des chutes ; comment s'assurer qu’une réduction des chutes provient effectivement du jardin ? Ou est-ce lié à l'effort de l'équipe ? Donc nous, pour le faire, on avait deux types de jardins accessibles ; on a envoyé un groupe dans un jardin qui n'avait pas de dimension thérapeutique, mais toute la dimension sécurité- ergonomie- esthétique et bien-être d'un jardin ordinaire ; l'autre, par contre, possédait toutes les caractéristiques d'un jardin thérapeutique. Ensuite, on a comparé les deux. C'est comme ça que l'on a constaté qu'il ne s'agit pas uniquement des effets de la saison ou de ceux de la politique de l'établissement sur le bien-être des patients, mais qu'il y a une vraie différence chez les patients suivant le jardin qu'ils fréquentent. Après on a mis des éléments qui ciblaient spécifiquement les objectifs : la désorientation spatio-temporelle, les chutes, l'estime de soi, le rythme circadien, l' agressivité ; puis on a comparé ce qui ressortait dans les deux jardins.
Moi : Je me demandais aussi lors de mon stage comment pérenniser la vie du jardin après intervention , c'est-à-dire après avoir mis en place le jardin thérapeutique ?
Mr Bourdon : Alors premier point, il faut dispenser une formation en la terminant par un petit livret le livre de vie du jardin dans lequel on explique toutes les essences du jardin, mais plutôt que de leur expliquer la description du jardin, il vaut mieux expliquer quels profits, matériaux utilisés, comment l'architecture générale a été conçue particulièrement pour la population qui va le fréquenter et leur expliquer ensuite la dimension thérapeutique du jardin de manière à ce que le jardin puisse gérer par exemple des problèmes de perte de mémoire.

Moi : D'accord.

En quoi les ateliers sont bénéfiques, de manière à ce que lorsqu'un nouveau résident puisse lui faire faire la visite du jardin et lui montrer tous les endroits du jardin de manière à ce qu'il puisse lui aussi s'approprier le jardin. Donc ça c'est la première étape, la formation. La deuxième étape est de s'assurer qu'il y ait bien un dispositif que ce soit en interne ou en externe qui soit compétent pour assurer la maintenance du jardin. Il ne faut pas compter sur les résidents ou les soignants pour la maintenance. Donc très important de ne pas concevoir un jardin qui soit pas trop demandeur en entretien.

Moi : Oui.
Mr Bourdon : ça, c'est un savoir-faire sinon un jardin mal entretenu ça ne donne pas envie mais c'est un budget.

Moi : Du coup vous proposez quoi ?
Mr Bourdon : Du coup mon approche est de proposer un partenariat avec l'UNEA et les ESAT pour utiliser et pour former un personnel handicapé pour assurer l'entretien des jardins. Et la formation qu'on a donné à ces jardiniers-là, on leur a donner enfin on l'a surtout donné au chef d'équipe qui encadrent des personnes handicapées physiques ou mentaux, ce qui est important. Donc on leur a donné une formation de manière à ce qu'ils soient capables d'entretenir le jardin correctement et que le coup d'entretien du jardin, le devis la facture soit positive et dernier avantage est qu'ils ont un coût d'entretien du jardin qui pourra être pris en charge au titre de la loi handicap qui dit que lorsqu'on emploi du personnel handicapé on a une déduction fiscale ce qui apporte un avantage pour l'Ehpad car ça ne leur coute pas trop cher. Il faut donc tirer parti des ressources que l'on a. Mais ça, ça se fait avec une certaine préparation en amont sous peine de grosses déceptions.

Moi : Du coup, est-ce que vous diriez que compte tenu de la qualité et des bénéfices du jardin que peuvent en tirer les patients en termes de réduction de prise de médicaments etc. il peut y avoir une certaine efficience qui se met en place ?

Mr Bourdon : Donc je vais revenir à ce que je disais tout à l'heure, j'ai un architecte qui va concevoir la forme générale du jardin de la façon la plus adaptée possible. Et moi, je parle de ma démarche on va mettre des ateliers pour lesquels on a fait une évaluation. Alors j'ai vu l'atelier A qui a un effet sur tel ou tel pathologie et va donc avoir une certaine efficacité. Après il va falloir bien diffuser les informations. Après il faut que le jardin vive et ça va se faire à travers des événementiels. Trois fois dans l'année vous allez recevoir des enfants, ça peut également être la semaine des peintres, recevoir des chefs d'entreprises qui vont faire des échanges, ou des cours particuliers pour des enfants, quand je parle d’événements ça peut être un groupe de théâtre. Donc on crée un souvenir positif dans le jardin. Créer quelque chose de festif, on crée un ancrage. Les personnes vont en reparler. C'était bon les côtelettes de porc, tout le monde va cueillir je dis n'importe quoi. Après aussi il va y avoir des protocoles d'évaluation pour certaines choses ce qui va créer un point focal sur le jardin. Faites attention vous n'êtes pas obligés si vous faites des évaluations sur les points thérapeutiques alors évidemment toutes les équipes vont du coup voir et communiquer que le jardin a permis une amélioration sur tel ou tel point. Parce que du coup l'évaluation permet d'aller au-delà de la subjectivité « oh bah on a un jardin c'est bien tout le monde va être content d'y aller ». Après on est content d'aller au jardin mais quand vous avez une évaluation au jardin où l'on a remarqué que la moitié des résidents qui ont la maladie d'Alzheimer avaient soient récupérés soient stabilisés leurs pertes cognitives. Là les gens ils sont impressionnés. Et si aujourd'hui je ne sais plus le chiffre statistique 80 % des gens ont un regard négatif sur l'Ehpad, c'est-à-dire un endroit où ils ne veulent pas finir leurs vies, le jardin permet de corriger cela en créant un espace de liberté et de vie où les personnes viennent se retrouver quand il y a un moment. Quand il y a un beau jardin des enfants et les familles viennent plus volontiers, on peut offrir un bouquet aux soignants. On contribue à un bien-être.
Moi : D’accord et il y a un souci comme lier un cadre privé à l’aspect social ?

Mr Bourdon : Alors ça va être lié à la taille du jardin forcément et à l’architecture, avec des espaces collectifs et intimes et des espaces de circulation.
Moi : D’accord et vous les créez tout le temps ?
Mr Bourdon : Oui systématiquement. Je ne l’ai pas évoqué effectivement mais c’est une évidence.
Moi : D’accord et pour revenir aux formations est-ce que vous avez été confrontés à des problèmes de motivation du personnel et comment vous les avez gérés ?

Mr Bourdon : Bon, c’est une bonne question déjà la première chose c’est que les gens qui venaient, avaient déjà un minimum d’intérêt, les personnes ne savaient pas trop pourquoi elles étaient là. Du coup j’ai essayé de leur expliquer qu’il n’y a pas besoin d’avoir la main verte pour jardiner.

Moi : Oui…

Mr Bourdon : Du coup je leur ai dit ce n’est pas grave de ne pas connaitre le nom des plantes c’est pas important. Ce qui est important ça serait plus le lien sensoriel en lien avec leur formation.

(Pose de l’appel suite à un rendez-vous de Mr Bourdon)

Moi : Alors j’ai quelques autres questions, j’ai été confronté à des limites de différents ordres et j’aimerais avoir votre avis.
Mr Bourdon : Oui, alors pour que le jardin soit bon il faut qu’il soit d’un accès facile autant que possible ; constitué d’un contact visuel pour les résidents invitant les résidents à y aller. Après si le temps n’est pas favorable, les personnes n’iront pas au jardin donc il faut essayer de raboter tous les freins qu’ils soient physiques ou morales. Bon après c’est difficile d’y répondre de manière théorique, parce que ça dépend des budgets et des besoins. Et suivant les pathologies on ne va pas avoir les mêmes besoins. On travaille sur un certain nombre de points pour rendre la vie plus fonctionnelle. Par exemple, en gériatrie, les malades d’Alzheimer, on ne va pas les soigner mais on va cibler certains symptômes qu’ils ont.

Moi : D’accord, et le bien-être est-ce qu’il n’agit pas aussi sur la maladie ?
Mr Bourdon : Oui bien sûr, ça a été prouvé que le stress induit des pathologies, il est évident qu’il faut travailler là-dessus mais pour qu’un effet apparaisse, on a besoin que le patient vienne régulièrement utiliser la matière active sur lesquelles on va avoir des objectifs adaptés en communiquant aux familles les effets que les ateliers vont avoir. Il faut offrir une invitation permanant aux personnes pour qu’elles utilisent le jardin.
Moi : D’accord et vous travaillez sur quoi en ce moment ?
Mr Bourdon : Là je travaille sur la réduction des plaques amyloïdes. Notre travail est d’identifier donc au préalable quelle matière active va agir sur tels ou tels symptômes à l’aide d’un barème d’utilisation. 

Moi : Très bien merci beaucoup !

Fin.

 

12.          Glossaire

 

L’attitude thérapeutique est une posture professionnelle où l’on part du postulat que toute personne malgré sa maladie ou son handicap a des capacités physiques ou intellectuelles pouvant être sollicitées. Il faut prendre en chacun ce qu’il y a de plus positif, de meilleur pour le mettre en avant, sans s’arrêter à sa pathologie et le considérer comme une personne à part entière. Tout le projet, en l’occurrence du jardin thérapeutique, partira du vécu de la personne âgée, de ses compétences et de ses capacités préservées afin d'éviter toute mise en échec. Ainsi, une personne atteinte par la maladie d’Alzheimer aura bien souvent une mémoire procédurale préservée qu’il conviendra de valoriser en l’encourageant. Cela se fera avec ou sans soutien selon les cas. L’aspect thérapeutique se réalisera à travers la relation établie entre la personne atteinte et le thérapeute à différents moments comme lors des actes de la vie courante, tels que le repas, les transferts ou les activités.

L’accompagnement de la personne âgée doit se faire avec son assentiment. C’est un processus qui se développe sur le long terme et dont l’impulsion doit partir de la personne âgée afin qu’il ait du sens à ses yeux. Il favorise entre autres une resocialisation de la personne accompagnée allant souvent de pair avec une hausse de l’estime de soi.

La thérapie relationnelle permet selon Gérard Ribes[61], de nouer ou renouer un contact entre la personne âgée et l’extérieur comme par exemple les aidants. Valoriser ses capacités dans un « environnement affectif favorable » permettrait ainsi de « préserver sa dignité » et son estime de soi. De surcroît, la convivialité et la créativité sont autant de facteurs facilitant l’insertion de la personne âgée dans le monde. Il apparaît alors nécessaire de donner des moyens d’expression adéquats aux personnes âgées.

Le jardin thérapeutique est un concept pouvant porter à confusion. En effet, ilpossède des vertus multiples sans pour autant guérir à proprement parler. Un jardin est thérapeutique lorsqu'il répond à un ou des objectifs fixés en équipe pluridisciplinaire, notamment lors du projet de vie. Ces derniers sont réalisés sur le long terme et sont séquencés en étapes. D’autre part, le jardin thérapeutique peut se décliner sous la forme d'une prise en charge non médicamenteuse évaluée grâce à des critères relatifs à l'activité. Cette dernière est adaptée à l'intéressé et a une influence positive sur le personnel, les résidents, la famille et les bénévoles. Il doit être personnalisé au public qu’il accueille. Il fait d’autre part l'objet d'une transmission à l'ensemble de l'équipe. Ces prises en charge non médicamenteuses et médicamenteuses sont complémentaires.

Un jardin thérapeutique peut être considéré comme tel si des éléments naturels le composent comme par exemple des fleurs, de l’eau, des arbres. Il peut s’agir d’espaces intérieurs ou extérieurs.

Définis par Cooper-Marcus et Barnes[62] (1999) comme des espaces qui permettent à l’individu de maintenir ce lien avec la nature, ils permettent aussi grâce à leur valeurs esthétique, un apport sensoriel fourni par des composantes naturelles. Selon eux, son potentiel thérapeutique est présent lorsque ce contact avec la faune et la flore est combiné avec des critères d’aménagement spécifiques.

 



[1] Cavayas M., Raffard S., Gély-Nargeot M.C., (2012) « Stigmatisation dans la maladie d’Alzheimer, une revue de la question. » Gériatrie et Psychologie Neuropsychiatrie du Vieillissement. 2012 ;10(3) :297-305. doi :10.1684/pnv.2012.0356

[2] Cf. 12. Glossaire

[3] Gilbert, S.  (1997) « A nursing home ? Or Death ? » New York Times.

[4] Mattimore, T., N. Wenger, N. Desbiens, J. Teno, M. Hamel, H. Liu, R. Califf, A. Connors, J. Lynn et R. Oye, (1997) « Surrogate and Physician Understanding of Patient’s Preferences for Living Permenatly in a Nursing Home. » Journal of American Geriatric Society, Vol. 45, pp 818-824.

[5] Vladeck, B. (1980) « Unloving Care : The Nursing Home Tragedy. » New York : Basic Books

[6] Fontaine D. (Oct. 2007) « Les Unités spécifiques Alzheimer au sein des établissements d’hébergement collectifs. » La Lettre de l’Observatoire.

[7] Zeisel J. (nov. 2013) Alzheimer, le malade est une personne – Ed. Le Bord de l’Eau

 

[8] Cf. Annexe 11.2 NPIES et MMSE de Mme D.

[9] Cf. Annexe 11.1 Le projet de vie initial de Mme D.

 

[10] Cf. Annexe 11.7 Entretien avec le Pr. Verny, gériatre

[11] Cf. Annexe 11.8 Entretien avec Mr Bourdon, directeur et gestionnaire de l’association O Ubi Campi

[12] Cf. 12. Glossaire

[13] Cf. Annexe 11.6 Entretien avec Juliette, ergothérapeute à l'Ehpad Sainte Marie

[14] Ribes G. et Gaucher J., (2011) « Les approches thérapeutiques non médicamenteuses » Association France Alzheimer, Journée Mondiale Alzheimer, 21 Sept 2011. Disponible sur le site <https://www.francealzheimer.org/sites/default/files/Les%20approches%20therapeutiques%20non%20medicamenteuses.pdf>

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[48] Plan Alzheimer. 2008/2012, Disponible sur < http://www.cnsa.fr/documentation/plan_alzheimer_2008-2012-2.pdf>

[49] Clare L. (2004) Cognitive rehabilitation for people with early stage dementia. In : Marshall MT, ed. Perspectives on rehabilitation and dementia. Londres : Jessica Kingsley, 2004 : pp.180-186.

[50] Peters, K., Elands, B., & Buijs, A. (2010). Social interactions in urban parks: Stimulating social cohesion? Urban Forestry and Urban Greening, 9, pp. 93–100.

[51] Franklin, B., (1733) Almanach du pauvre Richard, Disponible à <http://www.institutcoppet.org/wp-content/uploads/2011/02/La-science-du-bonhomme-Richard.pdf>

[52] Bernez L., M. Batt, M. Yzoard, C. Jacob, A. Trognon, F. Verhaegen, J.-L. Danan, R. Fescharek, T. Rivasseau-Jonveaux, (2017) « Jardin thérapeutique, outil de prévention du burnout » Psychologie Française

[53] Ulrich R. S., O. Lundén, and J.L Eltinge (1993) Effects of Exposure to Nature and Abstract Pictures on Patients Recovering from Heart Surgery. Paper presented at The Tirthy-Third Meeting of the Society for Psychophysiological Research, Rottach-Egern, Germany. Published in Psychophysiology, Vol.30 (Supplement 1, 1993) pp. 7.

[54] Winston, A. S. et G. C. Cupchik (1992) « The Evaluation of High Art and Popular Art By Naive and Experience Viewers » Visual Art Research, Vol. 18, pp.1-14.

[55] Site de l'association O Ubi, Campi Disponible sur <https://o-ubicampi.com/>

[56] André, C. (2012), Notre cerveau a besoin de nature, Cerveau & Psycho, n°54 nov-déc, pp. 12-13.

 

[57] Site internet Therapeutic Landscapes Network, Naomi Sachs, Founder & Director

 http://www.healinglandscapes.org/ Consulté le 12/06/2017, Disponible sur http://www.healinglandscapes.org/blog/2016/09/what-is-a-healing-garden/

[58] Cf. 12. Glossaire

[59] Boucq I., (2013) Des jardins thérapeutiques adaptés, le lien horticole • n°853•04 sept. 2013 Disponible à <https://lebonheurestdanslejardin.files.wordpress.com/2013/10/853-jardins-therapeutiques.pdf>

[60] Heerwagen, J. 1990 “The psychological Aspects of Windows and Windows Design.” In K. H. Anthony, J. Choi, and B. Orland (Eds.) Procceding of 21st Annual Conference of The Environmental Design Research Association. Oklahoma City : EDRA, pp. 269-280.

 

[61] « Les approches thérapeutiques non médicamenteuses » Association France Alzheimer, Journée Mondiale Alzheimer, 21 Sept 2011. Disponible sur le site <https://www.francealzheimer.org/sites/default/files/Les%20approches%20therapeutiques%20non%20medicamenteuses.pdf>

[62]Cooper Marcus C, Barnes M. Healing gardens : therapeutic benefits and design recommendations. New York : J Wiley & Sons, Inc, 1999.

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